Une ville meurtrie
Québec, ville blessée. Endeuillée. Meurtrie par le parcours assassin d’un jeune homme venu d’ailleurs pour y semer la mort. Ville déchirée par la mort atroce de Suzanne Clermont et de François Duchesne.
Ville inquiète pour les cinq autres victimes, heureusement vivantes, mais toutes blessées à l’arme blanche. Ville néanmoins résiliente. Courageuse. Solidaire.
De Montréal et du reste du Québec, nous sommes séparés de vous par la pandémie, mais nos coeurs s’envolent vers vous depuis ce soir fatidique. Cette tragédie nous hante et nous prend au ventre.
BEAUTÉ
Ce Vieux-québec, je l’ai bien connu au début des années 2000. J’y travaillais comme conseillère spéciale au bureau du premier ministre.
Au bout de longues journées sans fin, ma parenthèse d’accalmie, je la trouvais dans la beauté saisissante de ce quartier sans âge. Je le laissais me bercer, tout simplement.
Autour du Château Frontenac, tout près duquel François Duchesne est mort, sa majesté architecturale me reposait l’esprit. La rue des Remparts, celle de Suzanne Clermont, je l’arpentais pour me perdre dans l’horizon infini sur lequel elle s’ouvre sans compter.
À mon arrivée, j’avais même tenté de m’y trouver un appart. Devant de très belles fenêtres carrelées toutes de blanc vêtues, je m’arrêtais pour en admirer l’impressionnante précision. En voyant les images de la vigile, j’ai su qu’elles étaient celles de la résidence de Suzanne Clermont.
Devant les témoignages bouleversants d’amour et d’amitié de ses voisins, amis et clients de longue date, ce quartier nous est tout à coup apparu sous son vrai jour.
Non plus celui des parcours touristiques courus d’avant la pandémie, mais d’un véritable voisinage. Tricoté serré. Dans le sens le plus humain du terme.
INEXPLIQUÉ
Une vraie vie de quartier qui, tapie dans les hauteurs, s’est vue privée brutalement de sa précieuse « Madame Sourire » des 25 dernières années.
Selon tous ceux et celles qui l’ont connue, Suzanne Clermont, coiffeuse de profession, donnait aussi généreusement tout plein de bonheur à sa clientèle. De l’écoute. Des rires. Des confidences. De la beauté.
Selon ses amis et collègues éplorés, François Duchesne, directeur des communications au Musée national des beaux-arts du Québec, était de la même eau – un infatigable pourvoyeur de beauté. De par son amour de l’art, sa douceur enveloppante et son immense joie de vivre.
Par un hasard particulièrement barbare, à quelques minutes l’un de l’autre, la mort les a happés sans crier gare. Deux êtres de lumière et de beauté, arrachés pour toujours à leurs proches. Dans ce quartier autrement serein.
Régis Labeaume, maire bienveillant, dit chercher « la » raison de la tuerie. Pourquoi Québec ?
Dans un message déchirant sur sa page Facebook, il dit être retourné sur les « lieux du crime » pour « confirmer un doute qui m’obsède depuis samedi soir. Cette pensée que le malheur a choisi notre ville à cause de sa beauté ».
Sa beauté, précise-t-il, toute médiévale au sommet des remparts. Le tueur, revêtu d’un costume médiéval, aurait-il choisi d’y frapper pour cette même raison ? On ne le saura peutêtre jamais.
Tout ce que l’on sait est que le mal, même inexpliqué, n’effacera jamais le passage rayonnant de Suzanne Clermont et de François Duchesne dans la vie de celles et ceux qui les ont tant aimés.