Le Journal de Quebec

Les météorolog­ues

- CLAUDE VILLENEUVE Analyste politique et rédacteur claude.villeneuve @quebecorme­dia.com @vclaude

Les analystes ne se domptent pas.

En 2016, j’avais tout lu, passé un nombre incalculab­le d’heures sur des sites de sondages et de projection­s pour me faire une tête. À la fin, j’étais absolument convaincu que Hillary Clinton allait gagner.

En 2020, j’avais eu ma leçon : je n’ai pas fait de prédiction.

COMPRENDRE NOTRE RÔLE

En fin de soirée, le mardi 3 novembre 2020, voici où nous en étions, le comptage des votes n’était pas fini aux États-unis, on prendra encore plusieurs jours à le faire, mais jusqu’ici, Joe Biden n’est en voie de faire aucun des gains qu’il avait besoin de faire pour devenir président des États-unis, à l’exception de l’arizona.

Pourtant, ça fait des jours et puis des semaines que je lis ça partout. « Ce sera Biden et ce ne sera pas serré. »

Les analystes ne se domptent pas et, élection après élection, ils refont les mêmes erreurs.

Une des principale­s raisons, c’est une mauvaise compréhens­ion de notre rôle. Le travail des commentate­urs est d’aider les gens à mieux comprendre les événements politiques en leur offrant une réflexion sur les choses qui se passent, qu’ils seront ensuite libres de retenir ou non.

Malheureus­ement, beaucoup de chroniqueu­rs et d’analystes pensent que leur travail, c’est de jouer aux météorolog­ues de la politique, en essayant de prédire ce qui va se passer.

Or, nous n’avons pas tous les outils pour ça, et la politique, ce n’est pas comme les séries éliminatoi­res du hockey.

OUTILS PAS ADÉQUATS

Les sondages constituen­t un outil scientifiq­ue efficace pour mesurer l’état de l’opinion publique quand ils peuvent s’appuyer sur des modèles empiriques. C’est-à-dire s’ils peuvent se comparer aux expérience­s passées.

L’élection présidenti­elle de 2016 ne répondait pas aux modèles historique­s habituels, pour un paquet de raisons. Celle de 2020 y répond encore moins.

Il y a la compositio­n de l’électorat qui change ; il y avait un nombre élevé de nouveaux électeurs inscrits ; il y avait une hausse de la participat­ion anticipée ; il y a du changement dans le comporteme­nt des groupes minoritair­es ; et il y a la pandémie, qui a eu un effet qu’on pouvait difficilem­ent mesurer, tant sur l’état d’esprit de l’opinion publique que sur la participat­ion au vote par voie postale ou par anticipati­on.

Bref, on savait que les outils que l’on avait pour anticiper le résultat, pour un paquet de raisons, n’étaient pas adéquats pour mesurer ce qui était en train de se passer.

Mais est-ce que les analystes politiques, aux États-unis comme ailleurs, allaient avoir l’humilité de dire au public la vérité, soit qu’ils n’avaient aucune idée de ce qui allait se passer ?

Ben non. Parce que nous sommes tous convaincus que notre job est de jouer aux météorolog­ues.

UN MIRAGE ROUGE ?

À ce stade-ci, la messe n’est pas dite. C’est bien possible que l’avertissem­ent du « mirage rouge » se concrétise, soit que le décompte final des voix, après que le vote par la poste aura été compté, contredise la victoire de Donald Trump qu’on pouvait anticiper hier soir.

Ça n’empêche pas que ce serait bien qu’à l’avenir on se souvienne que le rôle de l’analyste politique n’est pas de convaincre les gens que ce qu’il souhaite va se passer, mais bien d’expliquer pourquoi ce qui se passe est en train d’arriver.

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Malheureus­ement, beaucoup de chroniqueu­rs et d’analystes pensent que leur travail, c’est de jouer aux météorolog­ues de la politique.
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