La jeunesse de Manawan en péril
Le décrochage scolaire et les services de santé jugés insuffisants compromettent l’avenir de la communauté
MANAWAN | Les adolescents de la communauté doivent déménager à environ 200 kilomètres de leur famille s’ils veulent poursuivre leurs études postsecondaires, se trouver un emploi ou encore simplement consulter un physiothérapeute.
« L’éducation n’a pas été valorisée pour un principe simple : les pensionnats [autochtones]. Est-ce que les parents qui sont allés aux pensionnats vont encourager leurs enfants à continuer leurs études ? Non », explique l’attikamek Éric Labbé.
À Manawan, environ 950 jeunes fréquentent l’école primaire et l’école secondaire. Il n’existe pas de statistiques récentes sur le taux de décrochage, mais tout le monde s’entend pour dire qu’il est très élevé.
Selon le vice-chef de la communauté, Sipi Flamand, « la moyenne des adolescents a un diplôme de secondaire deux ou trois ». Si on ajoute le manque d’emplois dans la communauté, il est difficile pour les jeunes d’aspirer à un avenir prospère.
« Quand je vois les jeunes souffrir comme ça, ça me fait quelque chose au coeur », résume Thérèse Quitish, une aînée de Manawan.
L’ÉTINCELLE POUR LES ÉTUDES
Alex Nequado, qui a obtenu son diplôme de cinquième secondaire à 30 ans, croit qu’il est essentiel pour les jeunes de croire en leurs rêves pour poursuivre leur parcours scolaire.
« Moi, mon événement déclencheur, ce qui m’a poussé à étudier, c’est quand j’ai entendu le mot ordinateur pour la première fois dans ma vie. Je me suis dit, il faut que j’aille là [étudier dans ce domaine] », raconte celui qui est devenu technicien en informatique du Centre de santé local.
Depuis qu’il a terminé sa formation en 2010, il n’a jamais manqué de travail et a décidé de revenir oeuvrer dans sa communauté pour que ses pairs puissent profiter de ses connaissances.
ENJEUX DE SANTÉ
L’inaccessibilité aux soins de santé est un autre enjeu important qui compromet le développement des jeunes de Manawan.
Arna Moar, mère de trois enfants, en sait quelque chose. Deux de ses enfants ont un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Plusieurs rendez-vous médicaux nécessitent un déplacement de trois heures à Joliette.
« Les enfants qui souffrent d’une maladie qui nécessite un suivi serré doivent faire la route à toutes les semaines pour recevoir une heure de service en physio [par exemple]. C’est très demandant pour eux et leurs parents », soutient celle qui rêve d’une clinique multidisciplinaire à Manawan.
La bureaucratie vient aussi compliquer les choses, car en raison de la particularité des Premières Nations, le gouvernement fédéral doit approuver à la pièce plusieurs traitements médicaux.
DES GAINS
Petite victoire, un centre de pédiatrie sociale a vu le jour en janvier 2019. Depuis, quelques spécialistes se déplacent dans la communauté pour faire le suivi avec les enfants.
La Dre Pascale Breault est l’une des huit médecins qui s’y rendent régulièrement.
Elle explique que les habitants de Manawan ont depuis 2013 un meilleur accès à un médecin de famille, en raison du groupe de médecine familiale universitaire qui a été créé sur place.
Toutefois, il n’y a encore qu’une seule ambulance qui assure le service pour la communauté autochtone, et ses déplacements sont souvent compliqués par des inondations printanières ou pendant la période de dégel.
Malgré les nombreux défis, Pascale Breault est passionnée par son travail.
« J’apprends avec eux. Je deviens un meilleur médecin. En communauté, on peut faire une différence. Je les aime beaucoup. Ils sont vraiment gentils, ils sont vraiment easy going, on fait des blagues. Si tu réussis à fâcher un Attikamek, c’est parce que tu t’es levé de bonne heure », rigole la Dre Breault.