Le Journal de Quebec

Sa vie renversée par un chauffard

Le signaleur a dû être amputé d’une jambe après la collision qui a fait au moins un mort, à Laval

- JONATHAN TREMBLAY

Un père de famille qui a été fauché par un chauffard à moto à Laval, en septembre dernier, est terrorisé à l’idée de ne plus jamais pouvoir marcher normalemen­t, lui qui se retrouve avec une jambe en moins.

« Je ne sais pas comment ma vie va se passer. Vais-je être capable de remarcher? Je ne sais pas », laisse tomber au bout du fil PierreLuc Morin, anéanti sur son lit d’hôpital.

Le surintenda­nt en signalisat­ion de 34 ans se souvient de tout ce qui s’est passé le soir du 23 septembre dernier, à Laval.

Le moment où il s’est retourné pour vérifier quel était ce vrombissem­ent, l’impact qu’il n’a eu aucune chance d’éviter, l’état de panique autour de lui, son transport en ambulance vers l’hôpital du SacréCoeur de Montréal… rien ne lui a échappé.

Ce soir-là, son équipe et lui travaillai­ent sur un chantier situé entre la montée Saint-françois et l’autoroute 25, sur l’autoroute 440. La vitesse était limitée à 100 km/h.

Vers 21 h, la motocyclet­te de Ian Jacobsen, qui roulait vraisembla­blement à plus de 150 km/h selon nos sources, est sortie de nulle part, le frappant de plein fouet.

« J’ai juste eu le temps de me tourner, et pouf, elle me rentrait dedans. C’était fini. Je ne ressentais aucune douleur. Je baignais dans le gaz et dans l’huile. Le premier policier qui m’a vu couché au sol a sursauté. Le second m’a dit que l’ambulance s’en venait », se remémore M. Morin.

IMPUISSANT

Étendu par terre avec le bassin fracturé, le résident de Longueuil était impuissant à la vue des corps qui gisaient non loin de lui.

Le couple de l’épiphanie qui prenait place sur la motocyclet­te avait été éjecté de l’engin lors de la collision. Le conducteur de 28 ans est mort sous la force de l’impact, mais sa conjointe aussi âgée de 28 ans était toujours plongée dans un coma aux dernières nouvelles qu’a eues M. Morin.

« Je pense avoir vu la femme se faire frapper par une ou deux voitures. Il était tôt, ça circulait pas mal », dit-il, en décrivant le tout comme une scène d’horreur.

Conduit en trombe à l’hôpital, le père de famille a eu le temps de faire une seule demande au médecin qu’il a vu.

REVOIR SES ENFANTS

« Je me fous de ce que tu me fais, je veux juste revoir mes enfants », lui a-t-il fait promettre avant de perdre la carte.

Les chirurgien­s n’ont pu sauver sa jambe gauche, trop abîmée par la collision.

« Ma jambe a été amputée [en haut du genou], et l’autre était fracturée, raconte-t-il. La douleur fantôme [lors de la perte d’un membre], c’est 24 h sur 24, je sens mon pied, puis je pile sur des clous. C’est tellement douloureux. »

Après un mois et demi de convalesce­nce, M. Morin repose toujours à l’hôpital PierreLe Gardeur, à Terrebonne, où on l’a transféré. Incapable de s’appuyer sur sa cheville droite, il ne sait pas quand il sera en mesure de retourner chez lui.

Le fait d’être tenu loin de ses trois garçons et le manque de soutien psychologi­que sont ses plus grandes épreuves.

Pandémie oblige, il est contraint à ne recevoir qu’un visiteur par jour.

« Je n’ai vu mes fils qu’une fois, s’attriste le papa. Je n’ai pas de psychologu­e à l’hôpital. Je n’ai pas de services pour ma tête. »

« Je suis mélangé, perdu. J’ai mal, mais pas nécessaire­ment aux blessures », poursuit-il dans un cri du coeur.

Sans faire porter le blâme à quiconque, il constate que le personnel a très peu de temps pour l’amener à l’extérieur et lui permettre de voir ses proches.

PEUR DE L’AVENIR

Après son entretien téléphoniq­ue avec Le Journal, Pierre-luc Morin nous a fait parvenir un cliché de lui où on le voit dans un fauteuil roulant, sa jambe en moins.

« Je te l’envoie même si je ne voulais pas. C’est une photo que je ne suis vraiment pas capable de regarder. Ça me fait tellement mal et peur de me voir comme ça. Quand je la regarde, je me dis : de quelle façon je vais pouvoir passer à travers ? Comment je vais pouvoir m’occuper de mes enfants ? », a-t-il confié.

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1. Pierre-luc Morin déteste cette photo sur laquelle il constate dans quel état l’accident du 23 septembre dernier l’a laissé. 2. Le père de 34 ans n’a pu voir ses trois garçons qu’une fois depuis le drame. 3. Sa jambe droite a été aussi grandement amochée par l’impact. 4. On voit un infirmier dans l’ombre qui vient changer le pansement sur sa jambe gauche amputée, ce qui se produit jusqu’à trois fois par jour.
PHOTOS COURTOISIE 3 1. Pierre-luc Morin déteste cette photo sur laquelle il constate dans quel état l’accident du 23 septembre dernier l’a laissé. 2. Le père de 34 ans n’a pu voir ses trois garçons qu’une fois depuis le drame. 3. Sa jambe droite a été aussi grandement amochée par l’impact. 4. On voit un infirmier dans l’ombre qui vient changer le pansement sur sa jambe gauche amputée, ce qui se produit jusqu’à trois fois par jour.
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