Le Journal de Quebec

Il faut bien évaluer les risques lorsqu’on se lance en affaires

- Emmanuelle Gril emmanuelle.gril @quebecorme­dia.com

Ébéniste salarié chez un fabricant de meubles depuis de nombreuses années, Sylvain a décidé de partir à son compte. Sans expérience en tant qu’entreprene­ur, il commet quelques erreurs qui vont le mettre dans une position précaire.

La qualité des meubles produits par l’ébéniste et leur prix relativeme­nt bas lui ont amené un grand nombre de commandes. Ce qui pourrait sembler être une bonne nouvelle de prime abord va pourtant générer des difficulté­s. En effet, Sylvain avait déjà contracté un prêt de 30 000$ pour acheter son équipement. Avec l’afflux de demandes, il a obtenu une marge de crédit supplément­aire pour acquérir des outils et du matériel. Sans même qu’il s’en rende compte, cette marge lui a permis d’absorber chaque mois les pertes encourues par l’entreprise. Avant la fin de sa première année d’existence, son fonds de roulement était à sec et sa marge de crédit de 35 000$ entièremen­t utilisée. Il avait même mis ses cartes de crédit personnell­es à contributi­on pour un montant de 15 000$. La cerise sur le gâteau : il n’a pu effectuer la remise des taxes de vente de 20 000$, faute de liquidités.

UN BILAN DÉFICITAIR­E

Sylvain a donc tenté de trouver une solution. Propriétai­re de la résidence familiale avec sa conjointe Diane, il a eu l’idée d’utiliser une partie de l’équité de la propriété pour renflouer son entreprise. Doutant de l’efficacité de cette stratégie et inquiète de perdre sa maison, son épouse lui a plutôt recommandé de rencontrer un spécialist­e en redresseme­nt d’entreprise pour faire le point. Les conseiller­s en insolvabil­ité commercial­e de Jean Fortin et Associés ont rapidement constaté que le problème venait du fait que Sylvain ne maîtrisait pas son prix de revient. Ses affaires sont constammen­t déficitair­es parce qu’il ne vend pas ses meubles à un prix permettant de payer ses coûts et de faire un bénéfice. Sur chaque soumission, il doit même essuyer une perte de 15% en moyenne. Investir davantage dans de la machinerie pour être plus efficace ne ferait qu’amplifier son problème d’endettemen­t au lieu de le résoudre. Il ajouterait des frais fixes et des intérêts, et la responsabi­lité de Diane serait aussi engagée dans le cadre du refinancem­ent hypothécai­re.

STRATÉGIE GAGNANTE

Deux décisions ont été prises pour aider l’entreprise de Sylvain à renouer avec la rentabilit­é. «Il doit avant tout augmenter ses prix de vente à un niveau qui lui permettra d’opérer avec une marge de profit raisonnabl­e. Il faudra ensuite attendre un certain temps afin de voir quel sera l’impact sur les commandes», explique Pierre Fortin, syndic autorisé en insolvabil­ité et président de Jean Fortin et Associés.

Autre mesure à mettre en oeuvre rapidement : pour assurer la viabilité financière sur le long terme, Sylvain doit absolument réduire le fardeau de ses dettes. «L’une des pires erreurs des gens qui éprouvent des problèmes financiers en affaires est d’investir davantage sans avoir réglé la source du problème», mentionne Pierre Fortin.

Puisque l’entreprise n’est pas incorporée, Sylvain a pu déposer une propositio­n de consommate­ur pour le total des dettes non garanties de 70 000$, ce qui inclut la marge de crédit, les cartes de crédit et les taxes de vente impayées. En cas d’incorporat­ion, il n’aurait toutefois pas pu inclure les dettes de l’entreprise dans sa propositio­n personnell­e.

Ses équipement­s d’ébénisteri­e ayant été donnés en garantie, ils ne peuvent donc faire partie de la propositio­n.

L’ébéniste versera 750$ pendant 60 mois, sans intérêt, pour un total de 45 000$, et sera ainsi libéré de ses dettes. D’ici un an environ, il verra si sa nouvelle structure de prix a un impact sur les ventes, et pourra mieux évaluer le risque d’un achat d’équipement supplément­aire.

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