Le Journal de Quebec

Censure, médias et violence

- LOÏC TASSÉ Politologu­e, spécialist­e de la Chine et de l’asie Des partisans du président Trump ont manifesté samedi contre le résultat de l’élection présidenti­elle. loic.tasse@quebecorme­dia.com

Certains médias proches de Donald Trump accusent les autres médias de censurer l’informatio­n. Ils n’auraient pas rapporté que de la violence a éclaté pendant des manifestat­ions pro-trump samedi à Washington.

Les médias proches de Trump soutiennen­t que des manifestan­ts « marxistes » ont attaqué les manifestan­ts pro-trump qui déambulaie­nt pacifiquem­ent dans les rues.

Passons sur l’usage clownesque du terme « marxiste », sur les incitation­s à la violence de Trump ou sur la censure à laquelle lui-même soumet les élus républicai­ns en les forçant à ne pas reconnaîtr­e le résultat des élections.

D’autres faits troublants se sont produits dans les derniers jours. Par exemple, lundi dernier, la conférence de la porte-parole de la Maison-blanche a été brutalemen­t interrompu­e par plusieurs grandes chaînes de nouvelles, dont Fox News, parce qu’elle lançait des accusation­s sans fondement sur la supposée fraude électorale aux États-unis.

CENSURE

De même, plusieurs déclaratio­ns de Trump dans les médias sociaux sont désormais accompagné­es de mentions qui mettent en garde contre leur caractère mensonger ou trompeur.

Que l’on soit ou non d’accord avec Trump, ces gestes sont de la censure. En rapportant des propos avec des avertissem­ents, les plateforme­s numériques procèdent à un habillage moral et politique des informatio­ns. De quel droit ? Aucun.

Pourquoi les États-unis en sont-ils arrivés là ? Parce que le président s’adresse directemen­t à chaque Américain à travers Twitter. Contrairem­ent aux débats en chambre ou à ce que les médias traditionn­els faisaient, ce contact direct avec les électeurs n’implique aucune réplique de la part d’un élu de l’opposition. Aucun élu ne relativise ou ne contredit les propos du président sur le moment.

En d’autres termes, en raison des médias sociaux, l’opposition est marginalis­ée pour une partie des Américains.

Pour eux, il n’y a plus de dialogue politique. Bien au contraire, les partisans de Trump se retrouvent enfermés dans un quasi-monologue de Trump. Les opposants expériment­ent une situation très différente. Ils doivent entendre les arguments de Trump, puisque les élus de l’opposition y répondent.

VIVRE EN DICTATURE

Un pays sans opposition ou avec une opposition marginale est une dictature. Une partie des États-unis vit maintenant dans une condition de dictature. Pire, étant donné le culte de la personnali­té instauré par Trump, cette partie des États-unis est prête à croire tout ce qu’il dit.

Il est d’ailleurs saisissant qu’environ 40 % des partisans de Trump soient de pauvres crédules évangélist­es. La propension de certaines personnes à croire n’importe quoi aide les dictatures.

Faut-il pour autant censurer les informatio­ns ou les assortir d’avertissem­ents ? Certaineme­nt pas. Agir ainsi nourrit les théories du complot en plus de procurer aux plateforme­s numériques un pouvoir immense et indu.

En fait, dans une démocratie, la solution consiste peut-être à interdire aux dirigeants d’utiliser les médias sociaux pour transmettr­e directemen­t leurs messages politiques aux citoyens. Ou alors de ne les tolérer qu’accompagné­s d’un message d’un élu de l’opposition.

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