Le Journal de Quebec

Un effet de notre époque

- RICHARD MARTINEAU

Ainsi, selon un sondage Léger publié hier, un grand nombre des 18-34 ans chez les francophon­es se fichent totalement d’être servis en anglais dans les commerces.

Ça vous surprend ? Moi, pas. Chaque fois que je me plains d’être servi par un vendeur unilingue anglophone, mes enfants, qui détestent les scandales, rougissent et roulent des yeux.

« OK, papa, viens-t’en, arrête ! » Je courrais tout nu dans le rayon des sous-vêtements féminins que ça leur ferait moins honte.

2020 N’EST PAS 1970

Certes, les temps ont changé. L’anglais, qui était pour les plus vieux « la langue des foremen », n’est plus perçu par les jeunes comme une menace, mais comme une sorte d’espéranto qui leur permet de communique­r avec la planète entière.

Rien ne vieillit plus mal qu’un militant grisonnant qui s’accroche désespérém­ent aux causes qui le faisaient vibrer quand il avait 15 ans et qui passe son temps à pester contre « l’indolence des jeunes »…

Hé oui, les adolescent­es portent des t-shirts bedaine et s’amusent à jouer aux vamps sur Instagram, et alors ? Ça ne veut pas dire qu’elles ne sont pas féministes.

Juste que le féminisme a muté.

Plus besoin de porter une jupe en terre cuite pour mériter le nom de « féministe ».

Idem pour la défense du français. Le Québec de 2020 n’est pas le Québec de 1970, il est donc normal que les jeunes ne réagissent pas comme leurs parents ou leurs grands-parents quand ils voient un resto arborer avec fierté une raison sociale en anglais.

C’est peut-être plate, mais c’est la vie.

Nous sommes tous le produit de notre époque.

Dans 30 ans, ça sera au tour des petits lapins de capoter quand ils verront leurs enfants pisser dans leurs culottes en lisant des vieux « cahiers de revendicat­ions » de l’associatio­n étudiante des sciences humaines de L’UQAM.

« Kessé ça, le français inclusif ? T’appelais vraiment ton ami Ielle ? Ahahahahah ! »

LA VIE EST UN RAPPORT DE FORCE

Cela dit, outre le passage du temps, il y a un autre facteur qui explique les résultats du sondage Léger.

Mes amis les lapins qui ont été élevés dans du papier bulle et qui fréquenten­t des université­s munies de « safe spaces » capitonnés ont une peur bleue de la confrontat­ion.

Pour eux, confrontat­ion = agression.

On ne leur a jamais appris que la vie est un combat.

Ils voudraient que la société ressemble à un gros Justinland, un royaume pastel peuplé de licornes gentilles qui suintent des étoiles quand on les flatte.

Or, désolé, mais ce n’est pas la réalité.

La vie est une longue suite de rapports de force.

Si l’anglais avance d’un mètre, le français recule d’un mètre.

Si l’extrémisme religieux avance de deux mètres, les libertés reculent de deux mètres.

Ou tu tiens ton bout, ou on va empiéter sur ton terrain.

Le loup ne se couchera jamais en cuillère aux côtés de l’agneau. Il va le bouffer. Avec joie.

Amis lapins, oubliez tout ce qu’on vous a appris dans le cours d’éthique et de culture religieuse : défendre qui nous sommes ne veut pas dire se fermer aux autres.

Vous aimez la diversité ? Vous voulez protéger les espèces en voie de disparitio­n ?

Alors, protégez le français en Amérique du Nord !

Please.

Les jeunes se fichent d’être servis en anglais. Pourquoi ?

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