Le Journal de Quebec

Trois faussetés sur le français

- JOSEPH FACAL

Le Journal documente ces jours-ci l’effarant déclin du français dans la région métropolit­aine.

Des commerces où il est impossible de se faire servir en français.

Des commerces où l’on vous traite comme un emmerdeur si vous l’exigez.

Des employés qui disent craindre la réaction courroucée des clients s’ils les accueillen­t en français !

Si même Justin Trudeau admet le problème…

FAUSSETÉS

Pour nier ou relativise­r ce recul, on nous sert souvent trois faussetés.

La première fausseté est de dire que le pire ennemi du français est le fait que les Québécois le parlent mal.

Certes, le Québécois moyen a un vocabulair­e limité, articule peu, mange ses mots, dira « la raison pourquoi » au lieu de « la raison pour laquelle ».

Si on voyage un peu, on découvre cependant que le citoyen « moyen » tend à martyriser sa langue dans tous les pays.

Cet argument culpabilis­ant est une façon commode de nier les enjeux politiques de la question linguistiq­ue : immigratio­n massive, statut provincial, financemen­t public disproport­ionné du réseau éducatif anglophone.

La deuxième fausseté est de rabâcher le sempiterne­l : « 94,5 % des allophones et des anglophone­s sont capables de soutenir une conversati­on en français ».

D’abord, c’est faux.

Et même si c’était vrai, à quoi bon si les francophon­es colonisés passent à l’anglais pour être « fins », parce que c’est plus « pratique », ou parce qu’ils ne veulent « pas de chicane » ?

Comme l’explique Frédéric Lacroix, l’important pour mesurer la santé d’une langue sur un territoire, c’est le degré d’intensité de son utilisatio­n.

Or, la meilleure mesure de cette intensité, c’est la langue parlée à la maison.

Fondamenta­lement, si l’anglais se porte bien au Québec et si le français recule, c’est parce qu’un trop grand nombre de gens dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais basculent vers l’anglais dans leur vie domestique.

Devinez dans quelle langue ils élèveront leurs enfants.

Évidemment, nos choix politiques timides, contradict­oires et suicidaire­s viennent accélérer cela.

La troisième fausseté est de dire : il est compréhens­ible qu’un jeune francophon­e aille étudier à Dawson ou à Concordia pour apprendre une langue anglaise utile (qui prétend le contraire ?) qu’il devrait déjà maîtriser depuis la fin du secondaire.

Les jeunes francophon­es qui vont dans les établissem­ents anglophone­s parlent DÉJÀ anglais.

Ils y vont parce qu’ils savent que les réseaux d’insertion profession­nelle anglophone­s sont plus porteurs d’opportunit­és.

À Montréal, pour les vrais bons emplois, la non-connaissan­ce du français est peu pénalisant­e, mais la non-connaissan­ce de l’anglais l’est terribleme­nt.

Or, comme les établissem­ents anglophone­s et francophon­es se disputent les mêmes clientèles, ce que les premières gagnent, les secondes le perdent.

Nous finançons le recul du français avec nos propres impôts.

Le financemen­t public des cégeps et université­s anglophone­s devrait être en proportion du poids historique de la communauté anglophone, tout simplement.

« MESURETTES » ?

Le gouverneme­nt Legault prépare une politique linguistiq­ue.

Toute politique qui ne remettra pas en cause les volumes actuels d’immigratio­n et le financemen­t des établissem­ents d’éducation supérieure passera à côté de l’essentiel.

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