Du vert pâle pour éviter des Gilets jaunes
Un politicien tente souvent de jouer contre son personnage.
Pour des politologues, c’est la règle « seul Nixon pouvait reconnaître la Chine » de Mao. Nixon, un républicain qui aimait fustiger ses adversaires comme étant trop mous avec les communistes ! Dirons-nous dans quelques années : seul François Legault pouvait nous faire progresser dans la lutte aux changements climatiques ? Peut-être.
PAS DE PROMESSE
L’environnement n’a jamais été sa matière forte. En 2018, il fit campagne sans vraie promesse de lutte aux GES (gaz à effet de serre). À part celle de vendre de l’électricité aux États-unis, ce qui permettrait d’y fermer des centrales polluantes. C’était trop peu. Dès un de ses premiers discours comme premier ministre, il lança : « On a bien reçu le message de la population pendant la campagne. On doit en faire plus [...] contre le réchauffement climatique. » Il s’engageait à y travailler avec sa ministre d’alors, Mariechantal Chassé, « de façon pragmatique, en obtenant des résultats ».
Mme Chassé est vite devenue un aptonyme ; le dépôt du plan connut ses premiers retards. Benoit Charette tarda aussi.
Il était prêt à présenter son plan quand la pandémie éclata, changeant la donne. QS en a abandonné son « Ultimatum 2020 » par lequel il comptait exiger des mesures ambitieuses à défaut de quoi il paralyserait le Parlement.
CRITIQUES
Le gouvernement Legault a enfin déposé son plan hier. 6,7 milliards de dollars. Un plan révisé annuellement, visant des résultats. Les voitures à essence bannies en 2035. Le slogan « Plus de richesse, moins de GES » est quelconque, mais fait comprendre que le Québec peut facilement profiter de ce qui s’en vient.
Sa balance commerciale est plombée depuis des années par l’importation de pétrole et de véhicules à essence. Plus on électrifie les transports collectifs, le parc automobile et plus, en parallèle, on développe ou consolide des filières de fabrication de composantes pour véhicules électriques (camions, autobus, etc.), plus le
Québec s’enrichit.
Et si en plus, il réussit à aller vendre encore plus d’électricité aux États du Nord-est américain, on réalisera le rêve « notre hydroélectricité, notre pétrole à nous », selon la formule – aujourd’hui surannée – de Jean Charest. Ce qui pourrait peut-être permettre d’atteindre un objectif de Legault : se débarrasser de la péréquation.
GILETS JAUNES
Pour les partis d’opposition, le plan de Québec est évidemment insuffisant. Vrai, il n’identifie que 42 % des mesures pour atteindre la réduction de 37,5 % de nos émissions en 2030. Sylvain Gaudreault, du PQ, fustigeait hier le « manque d’ambition ». Ruba Ghazal, de QS, se désole de l’absence d’écofiscalité, qui implique des mesures punitives aux citoyens qui, tels ces acheteurs de Ford F-150, font de « mauvais choix » environnementaux. Mais imagine-t-on Legault taxer ces derniers après leur avoir promis de ne pas alourdir leur fardeau fiscal ? Un collègue me rappelait hier qu’en France, l’annonce de mesures d’écofiscalité a déclenché la crise des Gilets jaunes.vaut peut-être mieux un plan vert pâle, alors que le Québec fait déjà bien (non par vertu écologiste, je le sais). Et s’éviter l’hostilité de Gilets jaunes québécois qui prendraient la relève d’antimasques, déjà à cran.
Mais imagine-t-on Legault taxer ces derniers après leur avoir promis de ne pas alourdir leur fardeau fiscal ?