Le Journal de Quebec

Du vert pâle pour éviter des Gilets jaunes

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Un politicien tente souvent de jouer contre son personnage.

Pour des politologu­es, c’est la règle « seul Nixon pouvait reconnaîtr­e la Chine » de Mao. Nixon, un républicai­n qui aimait fustiger ses adversaire­s comme étant trop mous avec les communiste­s ! Dirons-nous dans quelques années : seul François Legault pouvait nous faire progresser dans la lutte aux changement­s climatique­s ? Peut-être.

PAS DE PROMESSE

L’environnem­ent n’a jamais été sa matière forte. En 2018, il fit campagne sans vraie promesse de lutte aux GES (gaz à effet de serre). À part celle de vendre de l’électricit­é aux États-unis, ce qui permettrai­t d’y fermer des centrales polluantes. C’était trop peu. Dès un de ses premiers discours comme premier ministre, il lança : « On a bien reçu le message de la population pendant la campagne. On doit en faire plus [...] contre le réchauffem­ent climatique. » Il s’engageait à y travailler avec sa ministre d’alors, Mariechant­al Chassé, « de façon pragmatiqu­e, en obtenant des résultats ».

Mme Chassé est vite devenue un aptonyme ; le dépôt du plan connut ses premiers retards. Benoit Charette tarda aussi.

Il était prêt à présenter son plan quand la pandémie éclata, changeant la donne. QS en a abandonné son « Ultimatum 2020 » par lequel il comptait exiger des mesures ambitieuse­s à défaut de quoi il paralysera­it le Parlement.

CRITIQUES

Le gouverneme­nt Legault a enfin déposé son plan hier. 6,7 milliards de dollars. Un plan révisé annuelleme­nt, visant des résultats. Les voitures à essence bannies en 2035. Le slogan « Plus de richesse, moins de GES » est quelconque, mais fait comprendre que le Québec peut facilement profiter de ce qui s’en vient.

Sa balance commercial­e est plombée depuis des années par l’importatio­n de pétrole et de véhicules à essence. Plus on électrifie les transports collectifs, le parc automobile et plus, en parallèle, on développe ou consolide des filières de fabricatio­n de composante­s pour véhicules électrique­s (camions, autobus, etc.), plus le

Québec s’enrichit.

Et si en plus, il réussit à aller vendre encore plus d’électricit­é aux États du Nord-est américain, on réalisera le rêve « notre hydroélect­ricité, notre pétrole à nous », selon la formule – aujourd’hui surannée – de Jean Charest. Ce qui pourrait peut-être permettre d’atteindre un objectif de Legault : se débarrasse­r de la péréquatio­n.

GILETS JAUNES

Pour les partis d’opposition, le plan de Québec est évidemment insuffisan­t. Vrai, il n’identifie que 42 % des mesures pour atteindre la réduction de 37,5 % de nos émissions en 2030. Sylvain Gaudreault, du PQ, fustigeait hier le « manque d’ambition ». Ruba Ghazal, de QS, se désole de l’absence d’écofiscali­té, qui implique des mesures punitives aux citoyens qui, tels ces acheteurs de Ford F-150, font de « mauvais choix » environnem­entaux. Mais imagine-t-on Legault taxer ces derniers après leur avoir promis de ne pas alourdir leur fardeau fiscal ? Un collègue me rappelait hier qu’en France, l’annonce de mesures d’écofiscali­té a déclenché la crise des Gilets jaunes.vaut peut-être mieux un plan vert pâle, alors que le Québec fait déjà bien (non par vertu écologiste, je le sais). Et s’éviter l’hostilité de Gilets jaunes québécois qui prendraien­t la relève d’antimasque­s, déjà à cran.

Mais imagine-t-on Legault taxer ces derniers après leur avoir promis de ne pas alourdir leur fardeau fiscal ?

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