Les dangers d’une « balloune » immobilière gonflée à bloc
Le marché de l’habitation traverse, à mes yeux, une période irrationnelle.
Regardons les statistiques de l’activité résidentielle dans l’ensemble de la province en cette année de pandémie de COVID-19.
Hausse de 10,6 % des ventes de propriétés au cours des neuf premiers mois de l’année. Augmentation de
14,3 % du prix médian des propriétés. Et pendant cette même période, les mises en chantier grimpent de 8,5 % par rapport à l’an dernier.
Question : comment peut-on expliquer le phénomène d’un marché immobilier aussi dynamique alors qu’on est en pleine crise sanitaire et économique ?
Je vous rappelle que les perspectives économiques pour l’année 2020 sont moches.
Le produit intérieur brut réel (PIB) va chuter de 6 %. Le nombre d’emplois chutera de 222 600. Le taux chômage s’élèvera à 9,3 %, à comparer à seulement 5,1 % l’an dernier. Les exportations planteront de 8,9 %. Les salaires et traitements reculeront de près de 1 %. Au chapitre de la consommation, on s’attend à ce que les Québécois dépensent 6,9 % de moins cette année. Nombre de secteurs de l’économie sont en chute libre à cause des mesures de confinement.
Qu’à cela ne tienne, le marché de l’habitation, lui, fait un pied de nez à la crise économique que génère la pandémie et défie la loi de la gravité.
COMMENT EST-CE POSSIBLE ?
Deux spécialistes de la SCHL, Rohit Verma et Rehma Husain, ont analysé la résilience et la vigueur du marché des logements neufs pendant la pandémie. Une vigueur qu’ils ont d’ailleurs constatée dans 23 des 27 plus grandes villes canadiennes.
Généralement, le prix des logements diminue en période de crise, les gens jouant de prudence en ces moments d’incertitude. Lors de la crise 2008-2009, le prix des maisons avait d’ailleurs chuté de 3,1 % sur 12 mois.
En cette année de pandémie, c’est le contraire qui s’est produit alors que le prix des maisons a monté.
L’étonnante hausse de prix serait due, selon eux, à « la nouvelle réalité » qui consiste à travailler et à rester à la maison en cette période de pandémie du coronavirus.
L’intérêt des acheteurs, expliquent Verma et Husain, est passé des appartements en copropriété à des maisons unifamiliales telles que des maisons individuelles, des maisons jumelées et des maisons en rangée.
Et la prévalence croissante du travail à domicile pendant la pandémie a amplifié, disent-ils, la tendance de l’intérêt des acheteurs pour des maisons de banlieue, lesquelles sont moins dispendieuses par comparaison à celles dans les grandes villes.
PAS DE SURÉVALUATION
En dépit de la hausse marquée du prix des maisons au Québec, les spécialistes du marché immobilier estiment qu’il n’y a pas encore de surévaluation.
Le prix a monté en raison de plusieurs facteurs : une forte demande jumelée au faible inventaire des propriétés à vendre ; la faiblesse exceptionnelle des taux hypothécaires ; l’application des nouveaux protocoles de sécurité sanitaire, l’augmentation du prix des matériaux de construction (avec des prix records pour le bois d’oeuvre).
MAIS…
Selon l’économiste Hélène Bégin, des Études économiques de Desjardins, le « facteur prix » jouera négativement sur la demande à venir pour les habitations neuves. Il deviendra difficile de maintenir la cadence. Même si le coût du crédit hypothécaire est faible, explique-t-elle, la remontée du taux de chômage et le soutien du revenu plus limité du fédéral freineront aussi le secteur résidentiel dès cet automne au Québec et en Ontario.
D’ailleurs, Desjardins prévoit que le marché de construction du logement neuf baissera de 6,5 % l’an prochain et les mises en chantier de 11,3 %.
Au chapitre du marché de la revente de propriétés, les transactions devraient reculer de 4,3 %.
Prudence oblige au cas où la « balloune » résidentielle nous pète en pleine face !