Le Journal de Quebec

L’affaire est ketchup

Subvention de 2 millions $ à Kraft Heinz qui n’achète pas ses tomates au Québec

- FRANCIS HALIN – Avec la collaborat­ion de Jean-françois Gibeault et Pierre-olivier Zappa

Québec accorde un prêt de 2 millions de dollars au géant américain Kraft Heinz, qui achète ses tomates des États-unis, le jour même où il lance en grande pompe sa campagne Achetons québécois!

« Pour l’instant, je ne peux pas me prononcer là-dessus, mais notre objectif, c’est vraiment de faire ça au Canada », s’est limitée à dire au Journal Danielle Nguyen, directrice de l’usine Kraft Heinz à MontRoyal, quand on lui a demandé si elle prévoyait acheter ses tomates au Québec.

Hier matin, Québec a accordé un prêt de 2 millions de dollars, par l’entremise du programme ESSOR, à Kraft Heinz Canada pour une ligne de production de ketchup à son usine de Mont-royal, qui ira chercher ses fruits aux États-unis, mais pourra y apposer l’étiquette « Fabriqué au Québec ».

« Notre approvisio­nnement de pâte de tomates provient de la Californie parce que l’on a encore des obligation­s contractue­lles. Cependant, lorsque le contrat sera terminé, on planifie de faire notre approvisio­nnement au Canada », a précisé Danielle Nguyen, directrice de l’usine, qui produira 45 000 tonnes de ketchup ces deux prochaines années.

Au total, le projet de Kraft Heinz de 23,3 millions de dollars devrait créer une trentaine d’emplois payés entre 30 $ et 35 $ l’heure, a ajouté Mme Nguyen. L’investisse­ment devrait permettre de maintenir les 750 autres emplois ici.

« Les contribuab­les québécois vont offrir un prêt de 2 millions $ à Kraft Heinz Canada pour qu’ils puissent mettre une feuille d’érable sur leur pot de ketchup », a déploré le directeur du Laboratoir­e en science analytique agroalimen­taire de l’université Dalhousie, en Nouvelle-écosse, Sylvain Charlebois.

DU PUR MARKETING ?

Pour Simon-pierre Murdock, cofondateu­r de Canada Sauce, qui fabrique du ketchup avec des tomates du pays, l’annonce est purement marketing.

« Ce n’est que du beau marketing pour gagner des parts de marché, dans une période de protection­nisme et d’achat local avec le Panier Bleu, mis en place par le gouverneme­nt du Québec. Ce sont des paroles et des actions plutôt contradict­oires », a analysé l’homme d’affaires de Chicoutimi.

« Ma mère a reçu un appel de Kraft Heinz aujourd’hui, mais nous, on ne fait pas de tomates de gros. Ce que l’on cueille, on le vend directemen­t aux clients », a partagé pour sa part Mathieu Beauregard, propriétai­re de la ferme Mario Beauregard, de Sainte-madeleine.

Pour Pascal Forest, président de la Fédération québécoise des producteur­s de fruits et légumes de transforma­tion (FQPFLT), l’entreprise a intérêt à acheter des tomates d’ici.

« J’aimerais ça qu’ils s’approvisio­nnent au Québec, c’est clair. On est prêt à les rencontrer dès que ça peut leur convenir », a-t-il dit.

« Des conversati­ons entre l’entreprise et les responsabl­es chez Investisse­ment Québec (IQ) concernant l’approvisio­nnement local en tomates et en bouteilles auront lieu », a souligné de son côté l’attaché de presse du ministre de l’économie, Mathieu St-amand.

Au cabinet du ministre de l’agricultur­e, André Lamontagne, on a dit aussi espérer que la multinatio­nale se tourne vers le Québec.

« Des conversati­ons entre l’entreprise et notre gouverneme­nt concernant l’approvisio­nnement local, en tomates et en bouteilles, auront lieu », a indiqué son attachée de presse Laurence Voyzelle, sensibleme­nt dans les mêmes mots.

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PHOTO CHANTAL POIRIER L’usine de Kraft Heinz de Mont-royal emploiera désormais quelque 800 travailleu­rs, avec des salaires allant de 30 $ à 35 $ l’heure.

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