L’affaire est ketchup
Subvention de 2 millions $ à Kraft Heinz qui n’achète pas ses tomates au Québec
Québec accorde un prêt de 2 millions de dollars au géant américain Kraft Heinz, qui achète ses tomates des États-unis, le jour même où il lance en grande pompe sa campagne Achetons québécois!
« Pour l’instant, je ne peux pas me prononcer là-dessus, mais notre objectif, c’est vraiment de faire ça au Canada », s’est limitée à dire au Journal Danielle Nguyen, directrice de l’usine Kraft Heinz à MontRoyal, quand on lui a demandé si elle prévoyait acheter ses tomates au Québec.
Hier matin, Québec a accordé un prêt de 2 millions de dollars, par l’entremise du programme ESSOR, à Kraft Heinz Canada pour une ligne de production de ketchup à son usine de Mont-royal, qui ira chercher ses fruits aux États-unis, mais pourra y apposer l’étiquette « Fabriqué au Québec ».
« Notre approvisionnement de pâte de tomates provient de la Californie parce que l’on a encore des obligations contractuelles. Cependant, lorsque le contrat sera terminé, on planifie de faire notre approvisionnement au Canada », a précisé Danielle Nguyen, directrice de l’usine, qui produira 45 000 tonnes de ketchup ces deux prochaines années.
Au total, le projet de Kraft Heinz de 23,3 millions de dollars devrait créer une trentaine d’emplois payés entre 30 $ et 35 $ l’heure, a ajouté Mme Nguyen. L’investissement devrait permettre de maintenir les 750 autres emplois ici.
« Les contribuables québécois vont offrir un prêt de 2 millions $ à Kraft Heinz Canada pour qu’ils puissent mettre une feuille d’érable sur leur pot de ketchup », a déploré le directeur du Laboratoire en science analytique agroalimentaire de l’université Dalhousie, en Nouvelle-écosse, Sylvain Charlebois.
DU PUR MARKETING ?
Pour Simon-pierre Murdock, cofondateur de Canada Sauce, qui fabrique du ketchup avec des tomates du pays, l’annonce est purement marketing.
« Ce n’est que du beau marketing pour gagner des parts de marché, dans une période de protectionnisme et d’achat local avec le Panier Bleu, mis en place par le gouvernement du Québec. Ce sont des paroles et des actions plutôt contradictoires », a analysé l’homme d’affaires de Chicoutimi.
« Ma mère a reçu un appel de Kraft Heinz aujourd’hui, mais nous, on ne fait pas de tomates de gros. Ce que l’on cueille, on le vend directement aux clients », a partagé pour sa part Mathieu Beauregard, propriétaire de la ferme Mario Beauregard, de Sainte-madeleine.
Pour Pascal Forest, président de la Fédération québécoise des producteurs de fruits et légumes de transformation (FQPFLT), l’entreprise a intérêt à acheter des tomates d’ici.
« J’aimerais ça qu’ils s’approvisionnent au Québec, c’est clair. On est prêt à les rencontrer dès que ça peut leur convenir », a-t-il dit.
« Des conversations entre l’entreprise et les responsables chez Investissement Québec (IQ) concernant l’approvisionnement local en tomates et en bouteilles auront lieu », a souligné de son côté l’attaché de presse du ministre de l’économie, Mathieu St-amand.
Au cabinet du ministre de l’agriculture, André Lamontagne, on a dit aussi espérer que la multinationale se tourne vers le Québec.
« Des conversations entre l’entreprise et notre gouvernement concernant l’approvisionnement local, en tomates et en bouteilles, auront lieu », a indiqué son attachée de presse Laurence Voyzelle, sensiblement dans les mêmes mots.