La COVID-19 a fait basculer leur vie
Ils n’en sont pas morts, mais plusieurs Québécois vont garder des séquelles de ce virus toute leur existence
Au moment où frappe la seconde vague de COVID-19, des centaines de Québécois continuent de souffrir des mois après avoir été infectés par le virus, certains marqués par des séquelles physiques ou psychologiques.
« J’ai vaincu le coronavirus, mais à quel prix ! » lance Jacques Goupil après 40 jours de coma et une perte de 70 livres.
Ce chauffeur de bus de 68 ans figure parmi la quinzaine de survivants qui ont généreusement accepté de se confier au Journal au sujet des traces que le virus a laissées sur leurs corps et dans leur esprit. Vous pouvez lire ces témoignages poignants en pages 41 à 54.
Fatigue, troubles de concentration et problèmes cardiaques ou pulmonaires sont le lot de la majorité des personnes âgées de 23 à 72 ans atteintes de la forme longue de la maladie à qui nous avons parlé.
GROS PRIX À PAYER
Mais plusieurs paient un tribut plus lourd. Parmi eux, un mécanicien de 59 ans qui doit composer avec « un pied en guenille » et une partie du visage paralysée.
« J’ai toujours une petite voix dans la tête qui dit : est-ce que tout va revenir à la normale ? » souffle Jean-françois Gagnon.
Georges Aguiar, 47 ans, sait déjà, lui, qu’il ne retrouvera jamais l’usage complet de sa main. Jeune retraité de l’enseignement, François Quenot a enfin pu remarcher quatre mois après avoir été infecté. Une partie de sa masse musculaire « est perdue pour toujours » après 68 jours de soins intensifs.
L’ANGOISSE DE L’INCONNU
Pour d’autres, c’est l’angoisse de l’inconnu.
« Je voudrais dire certains mots, mais ça ne sort plus comme avant. Ça me déstabilise énormément », dit Marie-isabelle Marchand. À 53 ans, elle réapprend à parler avec une orthophoniste, qui utilise le message d’un répondeur pour l’aider à retrouver sa voix.
À 23 ans et aux prises avec une inflammation du cerveau, Camille Cusson ne sait pas quand elle pourra reprendre sa carrière d’infirmière. Sandra Leblond s’inquiète aussi de problèmes cognitifs persistants.
« J’ai peur que ça reste permanent; ça fait des mois et ça ne s’améliore pas », dit la mère de famille de 32 ans. Comment vont évoluer ce type de séquelles?
« Il y a une série d’inconnues. Si un effet secondaire prend cinq ans à apparaître, par exemple, on ne peut pas accélérer ça », dit le Dr François Marquis.
UNE LOTERIE
Pas étonnant que Caroline Marceau compare cette maladie à « une loterie ».
« C’est vrai que des gens vont bien s’en sortir. Mais tu ne sais pas comment toi tu vas réagir », illustre la mère de 41 ans, toujours éprouvée par des palpitations après huit mois.
« Je suis dans les statistiques des guéris, mais il y a aussi les hypothéqués, et on est nombreux en titi », ajoute Violaine Cousineau, 46 ans et mère de deux enfants, qui n’arrive plus à s’exprimer qu’avec un tout petit filet de voix tant elle n’a plus de souffle.
La forme longue de la COVID-19 « n’est pas une vue de l’esprit, insiste le cardiologue Éric Sabbah. On voit des gens incapables de reprendre leur vie même après plusieurs semaines », dit-il.
Des articles récents du Journal of the American Medical Association et du British Medical Journal estimaient à près de 10 % les malades qui ont des symptômes des mois après avoir été infectés.