Le prof qui ne s’est pas excusé
Vous avez évidemment entendu parler de la professeure d’ottawa suspendue pour avoir prononcé le mot « nègre ».
Elle expliquait qu’une insulte peut être récupérée et retournée contre l’agresseur.
Elle s’est confondue en excuses… même si elle n’était coupable de rien.
Même chose à Concordia avec la professeure Catherine Russell.
DEBOUT
Ces excuses donnent aux accusateurs le sentiment qu’ils ont raison.
Ils redoublent alors de zèle inquisiteur, voyant des coupables partout.
Des centaines de profs, dont moi, ont signé la pétition dénonçant le traitement infligé à la prof d’ottawa.
Stéphane Chalifour, prof au cégep Lionel-groulx, a signé également.
Dans le forum en ligne du cégep, un étudiant publie ensuite un message avançant que ces signataires, très majoritairement blancs, cautionnaient le racisme.
Le prof Chalifour en profite pour faire son métier.
Il envoie à ceux qu’il appelle des « petits inquisiteurs coupeurs de têtes » des liens vers des auteurs qui expliquent l’histoire complexe du fameux mot.
Il cite notamment Dany Laferrière, qui explique que le mot « imbibe toute la littérature haïtienne », et que la bonne foi permet de faire la différence entre une insulte et un autre usage.
Le prof Chalifour constate alors que cette plateforme virtuelle n’est pas propice à la discussion civilisée.
Il s’en retire et pensait l’affaire close.
C’était sans compter sur Fabrice Vil, militant actif de ce nouveau racialisme.
Dans La Presse du 31 octobre, il s’insurge : « Comment se peut-il que des enseignants se permettent de telles atrocités en toute impunité ? » « Atrocités » ? Si la bêtise tuait… C’est ici que l’affaire prend une tournure éclairante pour l’avenir.
Le prof Chalifour refuse de plier. Dans un texte intitulé Il n’y aura pas d’excuses, qui multiplie les références (Césaire, Baldwin, etc.), il écrit :
« Ce qu’il faut retenir de notre époque, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’être un raciste assumé pour être accusé au tribunal d’une morale qui n’a que faire de la justice. Il n’est pas nécessaire de questionner les motifs des prétendues victimes non plus.
« Apprendre, c’est parfois être exposé à ce qui pourrait déranger. »
On présume d’emblée de la bonne foi de celles-ci soit parce qu’elles ont la peau noire, ou qu’elles se sont senties offensées, comme si la souffrance suffisait à donner raison. Disons-le, il s’agit d’une forme d’essentialisation qui laisse croire que la couleur ou le statut seraient forcément porteurs de la vertu. Il s’agit d’une dérive au sens où ce sont désormais les émotions de certains individus qui fixeraient la norme et le droit. »
ET LE VENT TOURNE.
Le syndicat des profs qualifie le propos de M. Vil de « diffamant » et réaffirme « son appui indéfectible à la liberté académique ».
La direction du cégep veut calmer le jeu, mais rappelle :
« L’apprentissage ne saurait s’incarner chez une personne sans ce moment d’interrogation, sans un processus de fracturation des certitudes et cela se produit par l’expression de paroles ou de signes divergents, dissidents. »
La commission des études du cégep dit pareil.
FOLIES
Bref, apprendre, c’est parfois être exposé à ce qui pourrait déranger.
Un peu partout, la mobilisation contre ces exagérations s’enclenche.
Morale de l’histoire : quand on n’est pas coupable, on ne doit pas s’excuser.