Le Journal de Quebec

Une maladie encore mystérieus­e

- CLAUDE VILLENEUVE claude.villeneuve@quebecorme­dia.com

Même s’il nous est devenu familier à force d’entendre parler sans arrêt « du virus », on oublie trop souvent qu’on en sait encore très peu sur ce petit malin de SARS-COV-2.

Au début, on nous l’a présenté comme un virus respiratoi­re, essentiell­ement. « Pas pire qu’une grosse grippe », disait-on ! Toutefois, on devrait plutôt dire que la COVID-19 s’apparente à un méchant gros rhume, les coronaviru­s déjà connus étant responsabl­es de 15 à 30 % de ceux-ci.

On savait déjà que la maladie s’en prenait à notre système respiratoi­re, donc, mais on comprend encore très mal comment elle peut agir sur nos systèmes nerveux, le cerveau au premier chef, et cardiovasc­ulaire. On comprend que si on perd le goût et l’odorat avec la COVID, ce n’est pas parce qu’on a le nez bouché, mais parce que nos nerfs sont attaqués. On sait également que ça contribue à la formation de caillots sanguins.

Et dans cinq, dix ou vingt ans, on publiera des papiers pour dire à quel point on n’avait rien compris de la maladie en 2020 et qu’on ne connaissai­t rien de ses séquelles à long terme, tout simplement parce qu’elles commencent à peine à se révéler.

On n’intube jamais des gens dans la quarantain­e à cause d’un rhume.

IL FAUT LE MONTRER

Le Journal publie aujourd’hui le témoignage de treize Québécois qui, parmi d’autres, subissent encore les effets de la COVID-19 ou des traitement­s dont ils ont eu besoin pour y survivre, et ce, plusieurs mois après l’avoir contractée.

On est loin de la petite grippe ou du méchant gros rhume : une personne de 23 ans n’a pas de problèmes de concentrat­ion plusieurs mois après avoir eu la grippe. On n’intube jamais des gens dans la quarantain­e à cause d’un rhume. On parle d’autre chose ici.

Par ailleurs, vous me direz à quand remonte la dernière fois que le chef du gouverneme­nt britanniqu­e et le chef de l’état américain ont été hospitalis­és pour la même maladie dans la même année. On est devant quelque chose de plus grave que ce qu’on a l’habitude de voir, il faut vraiment faire preuve d’un aveuglemen­t volontaire particulie­r pour le nier.

Reste que, parfois, il faut le montrer. Des femmes et des hommes en chair et en os, des gens qui menaient une vie active et épanouie ont dû quitter leur travail et n’ont pas pu prendre soin de leurs enfants pendant des semaines parce qu’ils ont attrapé une maladie encore mystérieus­e.

Non, ça n’arrivera pas à tout le monde qui aura la COVID, mais ça arrive à beaucoup plus de gens que ce que notre système de santé peut absorber à court terme et que notre société peut se permettre à long terme. Dans certains cas, les invalidité­s seront permanente­s.

VIE ACTIVE ET PRODUCTIVE

Par ailleurs, on a souvent entendu dire depuis le début de la crise que la collectivi­té ne pouvait pas s’arrêter de vivre à cause des « vulnérable­s ». À entendre certains, il aurait suffi d’encabaner nos vieux et de jeter la clé pour pouvoir continuer à vivre normalemen­t en attendant que ça passe.

C’est oublier que plus de la moitié des Québécois de plus de 18 ans sont en surpoids et qu’environ 1 sur 5 est obèse. Que la même proportion de Québécois de plus de 12 ans souffre d’hypertensi­on et que près de 10 % d’entre eux souffrent de diabète. Des « vulnérable­s », il y en a à la pelletée au Québec, des conditions génétiques expliquent leur situation dans bien des cas et ils mènent une vie active et productive. On peut douter que les enfants, les conjoints et les parents de ces personnes soient prêts à les laisser tomber pour satisfaire le droit à l’épicerie sans masque réclamé par certaines personnes.

À la fin, nul ne peut prétendre être à l’abri. Sont-ce les antécédent­s médicaux, les prédisposi­tions génétiques ou même le groupe sanguin qui feront en sorte qu’une personne sera plus ou moins affectée par la COVID-19 ? On n’en sait encore rien, mais un jour, la science nous le dira. Vous pouvez par contre être certains de deux choses : non, on ne découvrira pas que la consommati­on de smoothies au kale est une manière miracle de renforcer son système immunitair­e et quiconque prétend présenteme­nt avoir tout compris de la maladie est un charlatan.

La vérité, c’est qu’on ne le sait pas, et que la capacité d’adapter son comporteme­nt devant l’incertitud­e est un signe d’intelligen­ce.

Adaptons nos règles pour les rendre plus supportabl­es, donc. Resserrons-les là où l’on constate des manques, d’accord. Faisons la balance des inconvénie­nts entre la transmissi­on qu’on peut et qu’on doit tolérer, toujours. Soyons conscients que garder toute la population en confinemen­t social jusqu’au printemps n’est probableme­nt pas soutenable et qu’il faudra des solutions, certaineme­nt.

Reste que si on faisait tous attention en respectant les deux mètres, en portant un masque et en ventilant les pièces fermées, on n’aurait pas besoin de craindre qu’un de nos proches ait éventuelle­ment besoin de réapprendr­e à marcher.

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