Une victime de profilage racial recevra 12 000 $
La police de Longueuil devra documenter ses interventions
Un tribunal a ordonné à la police de Longueuil de payer 12 000 $ à une victime de profilage racial et de documenter dorénavant toutes ses interventions auprès de personnes racisées, une première au Québec.
« De plus en plus, les tribunaux reconnaissent l’existence du racisme, voire d’un racisme systémique, au sein des forces policières, et ce à l’échelle du pays. [...] Pour enrayer le profilage racial [...] il importe de faire de la lutte aux préjugés et aux stéréotypes une priorité », estime le juge Christian Brunelle dans son jugement rendu mardi.
Depuis huit ans, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse lutte aux côtés de Joël Debellefeuille devant le Tribunal des droits de la personne pour faire reconnaître le profilage dont il a été victime en 2012 en raison de la couleur de sa peau.
Au volant de sa BMW avec sa femme, son enfant de 17 mois et sa nièce de 16 ans, le père de famille a été victime d’un traitement inhabituel de la part de deux agents du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL).
Sans même qu’il ait commis d’infraction, les agents Dominic Polidoro et JeanClaude Bleu Voua ont suivi l’homme jusqu’à la garderie de son fils, avant de l’intercepter sans « motif sérieux ni raisonnable ».
Ce n’était pas la première fois que M. Debellefeuille était intercepté sans raison valable à Longueuil, a-t-il soutenu selon le Tribunal, en témoignant de sa colère, son indignation et son humiliation.
« Il n’a pas caché l’inquiétude qui l’anime à l’idée que son fils puisse avoir à subir lui-même des expériences similaires, plus tard, en raison de la seule couleur de sa peau », souligne le juge Brunelle dans le document de cour.
FORMATION OBLIGATOIRE
Ainsi, le magistrat n’y est pas allé de main morte en imposant une formation obligatoire sur le profilage racial à tout le personnel du SPAL, et ce, dans les 24 prochains mois.
La Ville de Longueuil et ses deux agents devront également débourser 12 000 $ en dommages à M. Debellefeuille.
De plus, le juge ordonne à la Ville de recueillir et de publier annuellement des données statistiques documentant « l’appartenance raciale perçue ou présumée des personnes faisant l’objet d’une interpellation policière », une première au Québec, dit Geneviève Griffin, avocate pour la Commission.
« Il y a déjà des [mesures] qui sont [prises] par le SPAL, comme par d’autres services, mais nous, on pense qu’on peut et qu’on doit aller plus loin à ce stade-ci. En 2020, le problème est assez important pour qu’on prenne le taureau par les cornes », conclut-elle.
Jointe par Lejournal, la Ville de Longueuil n’a pas voulu commenter pour l’instant.