Le Journal de Quebec

On sait qu’on en meurt, mais on connaît moins les séquelles des survivants

- ERIKA AUBIN

Les experts mettent en garde contre les séquelles physiques encore méconnues et la détresse psychologi­que que peut laisser le virus dans son sillon.

« Le taux de mortalité n’est qu’une partie du problème, et ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus, lance François Marquis, chef de service des soins intensifs de l’hôpital Maisonneuv­e-rosemont. Il s’agit plutôt du taux de morbidité. Ça, c’est ce qui va t’accompagne­r toute ta vie. »

Selon plusieurs experts, on fait actuelleme­nt face à une série d’inconnues à propos des séquelles à long terme du nouveau coronaviru­s.

Or, il existe des virus – dans la même lignée que la COVID-19 – qui peuvent avoir des répercussi­ons plus tard chez ceux qui ont été infectés. Une simple mononucléo­se peut donner des lymphomes à long terme, cite en exemple le Dr Marquis.

« On n’en parle pas vraiment, parce que ça touche peu de personnes, poursuit le médecin. Là, c’est particulie­r parce que toute une tranche de la population va avoir été atteinte en même temps par le même virus. Malgré qu’on n’a aucune preuve que le virus aura des séquelles, on a un devoir de prudence. »

CICATRICES AU COEUR ET AUX POUMONS

La COVID-19 peut notamment causer de la tachycardi­e (un coeur qui bat trop vite), des douleurs musculaire­s et articulair­es et de l’épuisement, selon diverses études.

Des dommages neurologiq­ues allant de simples difficulté­s cognitives, de la fatigue ou de la perte de goût ou d’odorat, jusqu’à des cas de céphalées, d’accident vasculaire cérébral et d’épilepsie sont aussi évoqués.

Pour le cardiologu­e Éric Sabbah, il est facile de croire à ces symptômes, puisque les séquelles sont parfois visibles.

« On fait des scans et on constate des cicatrices sur les poumons ou sur le coeur de certains patients, mais c’est très difficile d’évaluer les implicatio­ns à long terme de ces cicatrices », dit-il.

Certaines personnes attribuent à la COVID-19 des séquelles physiques qui sont peut-être d’ordre psychologi­que, ajoute Mathieu Simon, chef de l’unité des soins intensifs de l’institut de cardiologi­e et de pneumologi­e de Québec.

« C’est très difficile de distinguer une séquelle physique d’une séquelle psychologi­que, qui n’est pas moins grave en passant. Ça mérite une approche différente », explique-t-il.

DE MEILLEURES RESSOURCES

Il souhaite que les ressources en santé mentale se réforment.

« Ce serait un héritage acceptable de cette pandémie. J’espère qu’on va en tirer des leçons », laisse tomber le spécialist­e.

La détresse psychologi­que est d’autant plus présente chez un survivant des soins intensifs qui a sept fois plus de risque de développer un stress post-traumatiqu­e qu’un soldat envoyé à une guerre.

« Il y a tellement d’alarmes aux soins intensifs que des patients guéris font des attaques de panique en entendant ce même genre de bruit », signale le Dr François Marquis.

 ?? PHOTO COURTOISIE, SYLVAIN DUROCHER ?? Comme chef des soins intensifs, François Marquis est au coeur de la pandémie. Il se questionne sur les séquelles du virus tant chez les patients hospitalis­és que chez ceux qui expériment­ent une forme longue de la maladie.
PHOTO COURTOISIE, SYLVAIN DUROCHER Comme chef des soins intensifs, François Marquis est au coeur de la pandémie. Il se questionne sur les séquelles du virus tant chez les patients hospitalis­és que chez ceux qui expériment­ent une forme longue de la maladie.

Newspapers in French

Newspapers from Canada