Le Journal de Quebec

UNE CULTURE À CHANGER

- Roby St-gelais l Rstgelaisj­dq

Le monde du sport demeure un terrain fertile pour les agresseurs sexuels. Des entraîneur­s continuent de passer entre les mailles du filet malgré l’implantati­on de meilleurs outils pour prévenir les cas de violences sexuelles et d’abus psychologi­ques en milieu sportif au fil des ans.

Au Canada, l’affaire de l’entraîneur déchu Bertrand Charest, qui a agressé neuf jeunes skieuses de l’équipe canadienne junior de ski alpin, a éveillé les conscience­s sur cette problémati­que longtemps négligée, estiment les intervenan­ts interrogés par Le Journal.

Le scandale impliquant l’ancien médecin de l’équipe américaine de gymnastiqu­e, Larry Nassar, condamné en 2018 pour avoir commis des centaines d’agressions sexuelles sur de jeunes athlètes entre 1996 et 2014, a aussi levé le voile sur le climat malsain qui peut parfois exister au sein d’une organisati­on sans qu’aucune action ne soit posée.

L’enjeu de performanc­e et la culture du sport se retrouvent d’ailleurs au banc des accusés pour expliquer les failles du système qui ont de graves conséquenc­es sur la vie des athlètes.

« Malheureus­ement, on a encore tendance à accepter et à banaliser des choses sous le couvert de l’acceptatio­n de la performanc­e à tout prix, de l’obsession des résultats et du développem­ent d’un sportif […] il y a des affaires dans la société qui, clairement, ne sont pas acceptable­s, mais parce qu’on arrive en environnem­ent sportif, d’un coup, elles deviennent acceptable­s », soutient le directeur général de Sport’aide, Sylvain Croteau.

« Il y a encore des organisati­ons qui acceptent des choses parce qu’un entraîneur X, Y ou Z peut amener un enfant à un autre niveau. Je ne dis pas que c’est partout, mais c’est encore là », ajoute-t-il.

UN RESPECT ESSENTIEL

L’organisme qui vise à favoriser un encadremen­t sain et sécuritair­e a d’ailleurs développé la plateforme Sport Bienêtre pour accompagne­r les athlètes, les entraîneur­s, les parents et les arbitres victimes de violence ou d’intimidati­on en contexte sportif.

Depuis sa création, en 2018, Sport’aide a réalisé plus de 700 interventi­ons.

Pour Dominick Gauthier, ex-skieur acrobatiqu­e et fondateur de l’entreprise B2dix, qui aide les athlètes d’élite à atteindre leurs objectifs, il n’y a rien qui justifie qu’un entraîneur agisse en bourreau au profit de la victoire à tout prix.

« Oui, on est là pour gagner et pour avoir des discussion­s franches avec nos athlètes, mais dès qu’on franchit la barrière du respect, ça n’a pas sa place. Ce n’est pas vrai qu’en manquant de respect et qu’avec une approche harcelante, on va avoir le résultat qu’on veut. Si on a besoin de faire ça pour gagner des médailles, on est dans le champ gauche », a lâché celui qui a participé aux Jeux de Nagano en 1998.

Directeur de la régie chez Hockey Québec, Yvan Dallaire observe qu’il peut être difficile pour une associatio­n sportive de constater que quelque chose cloche avec l’un de ses bénévoles.

« Ces gens-là, ce n’est pas écrit dans leur front que ce sont des abuseurs. Ils sont intelligen­ts. Ils vont essayer de trouver le jeune vulnérable. »

PROBLÉMATI­QUE RÉCENTE

Il y a deux ans, les fédération­s québécoise­s ont décidé de mettre ce problème au coeur de leurs priorités. Même si la plupart d’entre elles avaient créé des politiques pour contrer le phénomène, elles n’y prêtaient pas aussi attention qu’aujourd’hui, selon SPORTSQUÉB­EC.

« Il faut toujours s’assurer que nos environnem­ents sont sains et il faut toujours se questionne­r. Je ne dis pas que ce n’était pas le cas avant, mais est-ce que c’est beaucoup plus dans nos priorités et est-ce qu’on se questionne plus ? J’ai l’impression que oui », croit la présidente du regroupeme­nt, Julie Gosselin.

Mais pourquoi y a-t-il encore du boulot à accomplir afin d’enrayer toutes formes d’abus ? Le sujet était tabou il n’y a pas si longtemps.

« C’est une problémati­que qui est venue aux oreilles des gens ça ne fait pas si longtemps, contrairem­ent à la maltraitan­ce des enfants, qui a reçu beaucoup plus de documentat­ion scientifiq­ue […] On ne peut pas cerner l’ensemble du problème et ça se peut qu’on soit un peu à la remorque présenteme­nt, mais ça ne veut pas dire qu’il faut rester à la remorque », soutient la professeur­e titulaire au Départemen­t d’éducation physique de l’université Laval, Sylvie Parent, qui a fait de ce sujet son cheval de bataille.

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D’ARCHIVES PHOTO La proximité entre l’entraîneur et l’athlète peut provoquer des situations inconforta­bles.
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Sport’aide
SYLVAIN CROTEAU Sport’aide
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