Le Journal de Quebec

Restos et bars en difficulté Écoeurés d’attendre l’aide promise

Des propriétai­res de bars et de restaurant­s se sentent abandonnés par le gouverneme­nt depuis sept semaines

- ANNE-SOPHIE POIRÉ

Des restaurate­urs et propriétai­res de bars découragés par la fermeture de leurs établissem­ents au mois d’octobre exhortent le gouverneme­nt Legault à leur envoyer « l’aide d’urgence » promise il y a sept semaines.

« Je suis fatigué, frustré… On a l’impression que le gouverneme­nt nous ment. On nous promet de l’aide qu’on ne nous donne pas », lâche Mathieu Ménard, propriétai­re de la brasserie Blind Pig et du bar Minéral, à Montréal.

« Je me suis à nouveau endetté pour cinq ans », ajoute l’entreprene­ur qui commençait tout juste à être dans « le positif ».

Le 1er octobre, le ministre de l’économie, Pierre Fitzgibbon, lançait une bouée de sauvetage aux restaurant­s, bars et microbrass­eries en zone rouge : le programme d’aide aux entreprise­s en région en alerte maximale (AERAM).

Québec s’engageait à rembourser 80 % des frais fixes comme le loyer, les taxes et les assurances jusqu’à concurrenc­e de 15000 $.

« Ça va permettre à ces personnes-là de passer à travers les 28 prochains jours », avait alors déclaré le premier ministre François Legault.

Or, l’aide se fait toujours attendre.

« Il y a une différence entre se faire dire qu’on va avoir de l’aide et recevoir de l’aide », déplore M. Ménard.

« L’industrie est comme un petit gars qui s’est fait mal dans le bois. Papa Legault lui a dit : “reste là, je vais revenir te chercher”. Mais une fois la nuit tombée, il n’est finalement jamais revenu et le petit gars s’est fait manger par les loups », image-t-il.

FAUSSES PROMESSES

Les entreprene­urs dénoncent ainsi de « fausses promesses ».

« Il faudrait aussi voir la couleur des sous. Ça ressemble plus à une promesse électorale », estime Mario Brossoit, copropriét­aire de L’express, à Montréal.

« Tout le monde est mal pris. Le gouverneme­nt n’est pas sérieux. Ça va prendre encore des mois avant d’avoir l’aide promise », renchérit le président de l’union des tenanciers de bars, Peter Sergakis.

En conférence de presse jeudi, M. Legault a indiqué que « Pierre Fitzgibbon est très au courant qu’il y a des délais ».

Le lendemain, le ministre a encouragé les entreprene­urs à remplir les formulaire­s.

« Je leur dirais d’être tolérants. Il y a eu de l’imperfecti­on au début. [...] Je demande aussi d’être patient, mais l’argent est là. Avec mon collègue M. [Eric] Girard [ministre des Finances], on ne veut pas s’esquiver », a dit M. Fitzgibbon à TVA Nouvelles.

« INADMISSIB­LE »

« Des petits délais ? On a rempli ça [la demande] le 6 octobre et rien n’est encore rentré », fulmine Philippe Desrosiers, propriétai­re de l’inox, à Québec.

Sur les 5300 membres de l’associatio­n Restaurati­on Québec (ARQ), « personne n’a encore reçu un chèque, confirme le vice-président aux affaires publiques et gouverneme­ntales de l’organisme, François Meunier. C’est inadmissib­le. »

Depuis le début octobre, il y a eu plus de 2000 demandes pour L’AERAM.

« Sur ce nombre, près de 600 dossiers ont déjà été acceptés ou sont en voie de l’être », a dit le ministère de l’économie au Journal.

En plus de l’aide qui tarde à arriver, les restaurate­urs et propriétai­res de bars dénoncent la complexité des demandes, qui sont gérées par les régions.

Dans la métropole par exemple, c’est le réseau PME Montréal qui est responsabl­e d’octroyer les prêts.

« Il y a beaucoup d’intermédia­ires. On dirait que l’aide est faite pour dissuader les gens de poursuivre les démarches », explique Jean-philippe Lessard, copropriét­aire de la Buvette Scott et du restaurant Sardines, à Québec.

FRAIS DE COMPTABLE

L’ARQ est d’avis que le processus aurait dû être centralisé.

« Chaque MRC a ses propres règles. Ça complique les démarches », résume M. Meunier.

« Ça m’a coûté 5000 $ ou 6000 $ en frais de comptable juste pour envoyer ma demande. On doit payer une fortune pour avoir de l’argent, ça ne marche pas », lâche Danny Jobin, propriétai­re des bars District Vidéo Lounge et Le Date Karaoké sur la rue Sainte-catherine, à Montréal.

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PHOTO AGENCE QMI, JOËL LEMAY Mathieu Ménard, assis entre deux plexiglas dans sa brasserie Blind Pig à Montréal, pointe l’incompéten­ce du gouverneme­nt dans sa gestion de crise.
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PHILIPPE DESROSIERS Inox

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