Le Journal de Quebec

Des impacts plus gros que les attentats du 11 septembre

Des conséquenc­es « jamais vues » par des travailleu­rs de l’industrie

- JÉRÉMY BERNIER

Des agentes de bord qui ont passé plus de deux décennies à parcourir le monde en avion estiment que la pandémie a eu des impacts si importants qu’ils surpassent même ceux du 11 septembre 2001 dans le domaine de l’aviation.

« Je n’ai jamais vécu quelque chose de semblable en 22 ans. On a vécu un certain ralentisse­ment avec le 11 septembre. Mais autant qu’actuelleme­nt ? Jamais », déplore Maria Smirnov, qui a été mise à pied temporaire­ment par Air Transat en raison de la pandémie.

L’écrasement de quatre avions détournés par Al-qaïda en 2001, dont deux dans les tours jumelles de New York, avait bouleversé la planète entière. Au Canada, les avions étaient restés cloués au sol pendant 48 à 72 heures, rappelle Karine Rainville, conseillèr­e au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente 15 000 agents de bord.

Or, l’industrie de l’aviation est littéralem­ent en chute libre depuis maintenant huit mois, alors que les pertes de revenus s’accumulent et que les mises à pied se succèdent ( voir encadré).

« Sur le coup, les impacts [du 11 septembre] ont été immenses. Mais tout a repris assez vite et il n’y a pas eu autant de mises à pied. Les conséquenc­es de la pandémie, elles, se font beaucoup plus ressentir dans le temps », souligne Rima Chebib, agente de bord pour Air Canada depuis 24 ans.

Mme Chebib a eu plus de chances que son homologue d’air Transat et est demeurée en poste malgré les nombreuses coupures.

« DU JAMAIS-VU »

Toutefois, les nouveaux protocoles sanitaires, les quelques récalcitra­nts qui s’essaient à ne pas les respecter, la possibilit­é de contracter le virus et la fragilité du milieu pèsent sur son moral.

« C’est épouvantab­le ce qu’on vit en ce moment. Il y a une immense lourdeur dans le milieu, on se pose beaucoup de questions », laisse entendre celle qui se retrouve désormais tout au bas de la liste d’ancienneté, malgré ses deux décennies d’expérience.

« Nos membres sont incroyable­ment inquiets pour leur avenir. On n’a jamais vu une situation du genre », confirme la conseillèr­e du

SCFP Karine Rainville.

PLAN B

Face à l’inconnu, Mme Chebib se prépare un plan B, comme plusieurs collègues. Mais si elle fait partie d’une prochaine vague de mises à pied, il ne sera pas aisé de se trouver un travail « en attendant », comme en témoigne Mme Smirnov.

« J’ai passé plusieurs entrevues et la question [sur un retour éventuel dans les avions] revient tout le temps. La plupart des employeurs ne sont pas trop intéressés à former des personnes qui ne resteront pas », indique celle qui est finalement parvenue à se trouver un petit boulot comme surveillan­te dans une école.

Mais plusieurs agentes de bord moins expériment­ées n’ont pas la possibilit­é financière d’attendre qu’on les rappelle et ont changé carrément de métier.

Dans une lettre adressée cette semaine à la ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu, les agents de bord au pays ont demandé à être placés en priorité pour l’administra­tion des vaccins contre la COVID-19.

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MARIA SMIRNOV Agente de bord

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