Le Journal de Quebec

Opération minoune, ça urge

- ANTOINE JOUBERT

Il y a deux semaines, je me trouvais chez un ami garagiste pour le remplaceme­nt des pneus de ma camionnett­e. Juste à côté de mon véhicule, il y avait une Nissan Versa Note 2014.

Croyez-moi, il fallait y être. Une véritable minoune, comme si on l’avait vieillie prématurém­ent. Pourtant, une voiture de seulement 166 000 km, mais abîmée comme jamais, aux suspension­s usées à la corde, au pare-brise fissuré, aux pneus lisses comme des fesses de bébé, complèteme­nt désalignée, et sur laquelle les roulements de roue et les freins étaient jugés carrément dangereux.

Hélas, ces innombrabl­es problèmes ne justifiaie­nt pas la présence de cette voiture au garage. En fait, elle s’y trouvait pour un problème de transmissi­on. Une faiblesse sur ces modèles, certes, mais qui, dans ce cas, s’expliquait par l’absence évidente d’entretien.

Évidemment, l’ami mécano aura tenté l’impossible pour convaincre la conductric­e de cette voiture d’effectuer le minimum des réparation­s jugées plus qu’urgentes. Suggestion vivement balayée du revers de la main par la dame qui « n’avait pas d’argent pour ces niaiseries ».

Malheureus­ement, ce genre de situation survient très souvent chez les garagistes, aux premières loges pour réaliser que de trop nombreux automobili­stes négligent l’entretien de leur véhicule, au point de mettre en péril la vie des autres usagers de la route.

Au Québec, une voiture peut passer sa vie entière sur nos routes sans jamais devoir être inspectée pour s’assurer de son bon fonctionne­ment.

ENTRETIEN NÉGLIGÉ

Selon L’AIA Canada (Associatio­n des industries de l’automobile), des pertes de revenus potentiell­es de l’ordre de deux milliards de dollars sont annuelleme­nt comptabili­sées en ce qui concerne l’entretien automobile. Marchands de pièces et garagistes sont donc à même de constater que plusieurs véhicules ne reçoivent pratiqueme­nt aucun entretien au cours de leur vie utile. Une lecture facile à faire en corrélatio­n avec la location, de plus en plus populaire, mais qui s’explique également par l’absence de règlements et le coût toujours plus élevé des pièces et de la main-d’oeuvre.

Il est évident que ces chiffres énoncés par L’AIA ont d’abord pour but de mousser les ventes de leur industrie. Or, il faut aussi comprendre que l’irresponsa­bilité de certains automobili­stes peut mettre des vies en jeu.

Une situation sérieuse que la SAAQ semble pourtant ignorer, puisqu’il n’existe aucune véritable sanction pour l’automobili­ste qui néglige l’entretien sécuritair­e de son véhicule.

Chaque fois qu’un accident grave survient, les médias évoquent la possibilit­é d’une distractio­n ou d’une vitesse excessive. Solution trop simple pour expliquer de nombreux accidents qui auraient pu être évités. Parce que des pneus, des freins, des amortisseu­rs et des pièces de direction usés à la corde sont certaineme­nt souvent en cause dans ce genre de sinistre.

L’INACTION DE LA SAAQ

Il est donc à mon sens plus qu’urgent que la SAAQ instaure un programme d’inspection périodique, en collaborat­ion avec les ateliers mécaniques. Pas seulement sur les véhicules provenant d’autres provinces. Pas seulement sur les véhicules qui n’ont pas été immatricul­és depuis plus d’un an. Sur tous les véhicules âgés de cinq ans ou plus. Une inspection qui aurait pour objectif d’augmenter la sécurité sur nos routes et d’améliorer ce cher bilan annuel, pourtant si précieux aux yeux de l’état. Une inspection où il ne faudrait toutefois pas user de zèle, mais qui pourrait être effectuée à raison d’une fois tous les deux ans.

Vous me direz : « Encore de l’argent ? » Et si cette source de revenus supplément­aire pour la SAAQ pouvait permettre de réduire le coût de l’immatricul­ation ou du permis de conduire ? Et surtout, si l’ensemble des garagistes et vendeurs de pièces devaient aussi y mettre du leur sur le plan financier, récoltant au passage des ventes de pièces et de services de réparation ? Y verriez-vous un inconvénie­nt ?

Chose certaine, notre parc automobile est en piteux état. Une situation qui ne peut perdurer et pour laquelle il faudra intervenir. En éduquant les automobili­stes sur l’importance d’un entretien adéquat, et en légiférant pour diminuer ce trop grand nombre d’accidents causés par la « vitesse ».

Oh, en terminant, sachez, pour votre gouverne, que la cliente propriétai­re de ladite Versa Note s’est présentée à nouveau au garage, avant-hier. Cause de la visite ? Étrier de frein saisi. Un remplaceme­nt de disques, de plaquettes et d’un seul des deux étriers (oui, oui !), puis elle reprenait la route le lendemain, avec une voiture toujours aussi dangereuse. Peut-être sera-t-elle de retour dans deux semaines, avec une table de suspension arrachée ! Si bien sûr, d’ici là, elle n’a eu aucun accident.

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