Le Journal de Quebec

Ils démissionn­ent et devront rembourser

Des nouveaux préposés en CHSLD abandonnen­t et devront payer leur formation

- PATRICK BELLEROSE

Des préposés en CHSLD formés à toute vitesse cet été ont préféré démissionn­er devant l’hostilité de leurs collègues et leurs conditions de travail.

Ils doivent maintenant rembourser près de 9000 $ de bourse reçus pendant leur formation.

En date du 11 novembre dernier, 101 de ces nouveaux préposés en CHSLD avaient démissionn­é, tandis que 56 autres avaient été congédiés, selon le ministère de la Santé.

Au total, Québec a formé 6798 personnes l’été dernier – alors que le gouverneme­nt visait 10 000 préposés – pour venir prêter main-forte au personnel frappé durement par la pandémie de COVID-19.

Au cours des derniers jours, notre Bureau parlementa­ire s’est entretenu avec plusieurs personnes qui ont levé la main en réponse à l’appel du premier ministre François Legault au printemps dernier.

Parmi ceux-ci, certains ont démissionn­é, certains ont été renvoyés et d’autres demeurent en poste. Mais tous ont témoigné d’un climat tendu avec le personnel déjà en place.

LES « PETITS LEGAULT »

Au fil des témoignage­s, ces nouveaux préposés racontent que les plus anciens les surnomment, les « petits Legault » ou la « gang à Legault ».

Ils racontent avoir ressenti une certaine jalousie de la part des employés d’expérience devant ces nouveaux venus formés en trois mois et bénéfician­t, dès leur arrivée, d’un taux horaire à 26 $ de l’heure, contre un peu moins de 21 $ avant la pandémie. Tous ont requis l’anonymat car ils craignent des représaill­es.

Un préposé de la région de Québec, qui a choisi de continuer malgré les embûches, estime que le problème découle surtout d’une gestion déficiente des CHSLD. « Les préposées, je ne leur en veux pas. Elles sont habituées d’être laissées à ellesmêmes, de s’organiser avec les bris de service », observe-t-il. Par contre, les gestionnai­res auraient dû mieux encadrer les nouveaux venus et préparer leur arrivée, affirme-t-il.

En plein recrutemen­t de nouveaux « anges gardiens », en mai dernier, le premier ministre François Legault faisait valoir que le rehausseme­nt des effectifs permettra, à terme, de passer plus de temps auprès des résidents.

Les préposés interrogés ne demandent pas mieux.

« Si on était plus d’employés, on pourrait passer plus de temps pour donner un soin dans la dignité à ces aînés », observe le préposé.

NE PAS REMBOURSER

Qu’ils aient démissionn­é ou aient été renvoyés, ils doivent maintenant rembourser la somme reçue pendant leur formation. Certains se sont fait réclamer la somme entière (près de 9000 $) d’ici la fin décembre.

« Je ne compte pas rembourser. Je réfléchis sérieuseme­nt à arrêter. Je suis très déçue chaque fois que le regarde ma fiche de paie. Le salaire n’est pas respecté et les conditions de travail sont vraiment affreuses », a témoigné une préposée.

EXPÉRIENCE­S DIFFICILES

Le Journal a recueilli plus d’une vingtaine de témoignage­s d’employés qui racontent leurs expérience­s difficiles.

Des préposés soutiennen­t avoir rempli leur part du contrat et disent ne pas avoir à rembourser un gouverneme­nt qui n’a pas été loyal avec eux.

Le président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN), Jeff Begley, n’encourage pas ses membres à suivre le mouvement et met en garde qu’un refus de remboursem­ent pourrait entraîner des poursuites.

« Je comprends qu’ils ont le goût de faire ça, mais ceux-ci risquent d’être poursuivis. Je n’aimerais pas être cependant à la place de l’employeur. Les préposés considèren­t que leur contrat n’est pas respecté et je ne suis pas sûr que je voudrais que ça soit sur la place publique », a mentionné M. Begley.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a rappelé que « la négociatio­n pour le renouvelle­ment des convention­s collective­s nationales, incluant la rémunérati­on et les primes, est en cours et les PAB sont une priorité gouverneme­ntale ».

Le ministère n’a pas commenté les menaces de refus de remboursem­ent.

— Avec Jérôme Gagnon

« QUAND ON RENTRAIT TRAVAILLER, ON POSAIT DES QUESTIONS ET LE PERSONNEL NOUS RÉPONDAIT À PEINE. ON SE FAISAIT DIRE : ‘‘VOUS NE SAVEZ MÊME PAS COMMENT METTRE DES CR*SS DE GANTS’’. TOUT CE QU’ON FAISAIT, CE N’ÉTAIT JAMAIS CORRECT »

– Une nouvelle préposée

 ?? PHOTO D’ARCHIVES ?? Dans la capitale nationale, une préposée s’est dite persuadée que le personnel d’expérience refilait systématiq­uement les cas lourds aux nouveaux venus.
PHOTO D’ARCHIVES Dans la capitale nationale, une préposée s’est dite persuadée que le personnel d’expérience refilait systématiq­uement les cas lourds aux nouveaux venus.
 ??  ?? JEFF BEGLEY Président
FSSS-CSN
JEFF BEGLEY Président FSSS-CSN

Newspapers in French

Newspapers from Canada