Le Journal de Quebec

À qui la « facture COVID » ?

- Jean-denis Garon jean-denis.garon@quebecorme­dia.com Jean-denis Garon est professeur à L’ESG-UQAM

La perspectiv­e d’un vaccin est désormais réelle. Bientôt, on préparera l’après-covid, qui prendra des allures de lourd lendemain de veille. On pensera d’abord à nos disparus et, ensuite, à toute cette croissance économique perdue pendant la crise.

On réfléchira aussi aux coûts financiers pour les gouverneme­nts, qui auront éventuelle­ment à vivre avec une dette publique gonflée à bloc.

Beaucoup d’économiste­s ont d’ailleurs déjà commencé à proposer des solutions. Plusieurs sont excellente­s, mais la réflexion va au-delà des opinions d’experts. Un débat de société doit avoir lieu.

1TAXES DE VENTE

La première option serait d’augmenter les taxes de vente. Il est vrai que celles-ci sont relativeme­nt basses au Québec et au Canada, si on se compare avec les autres pays industrial­isés. Nous serions tout à fait capables de vivre avec une petite hausse.

Sous Stephen Harper, Ottawa avait baissé la taxe TPS de 7 % à 5 %. Plusieurs économiste­s suggèrent au gouverneme­nt fédéral de revenir en arrière et de remonter la TPS de 2 %. Ceci permettrai­t de complèteme­nt financer les intérêts sur la nouvelle dette engendrée par les mesures COVID.

D’autres recommande­nt à Québec de faire la même chose. Si c’était le cas, les taxes de vente atteindrai­ent les 19 %, ce qui commence à être pas mal élevé… probableme­nt trop.

Par ailleurs, les tenants de cette approche vous diront que les taxes sur la consommati­on encouragen­t l’épargne. Or, nous vivons une crise où certains Canadiens ont augmenté leur taux d’épargne et où l’économie aura besoin d’être stimulée. Il n’est donc pas évident que ce soit le bon temps d’aller dans ce sens du côté de Québec.

2 TAXE SPÉCIALE COVID

Certaines entreprise­s ont bénéficié de la crise sanitaire et continuero­nt d’en profiter. On pense aux détaillant­s en ligne ou aux fournisseu­rs de matériel médical. Ces entreprise­s devraient être appelées à contribuer davantage au bien public, ne serait-ce que temporaire­ment. À l’aide d’une taxe spéciale, par exemple.

Pensez aussi aux compagnies qui obtiendron­t les contrats d’approvisio­nnement pour des vaccins. Non seulement auront-elles bénéficié d’aides publiques pour la recherche et le développem­ent… mais elles revendront leurs vaccins aux gouverneme­nts mêmes qui les ont financées !

3 REPENSER LA CONTRIBUTI­ON

Nous pourrions aussi entièremen­t repenser le rôle des entreprise­s dans le financemen­t des services publics. Juste avant la crise, celles-ci plaidaient en faveur d’allégement­s fiscaux et réglementa­ires… particuliè­rement les entreprise­s indépendan­tes.

Depuis le mois de mars, elles se sont retrouvées à demander au contribuab­le de les sauver. Elles demandent (avec raison) des subvention­s salariales, de l’aide pour payer leurs loyers. Après la crise, se rappellero­nt-elles des contribuab­les qui leur auront permis de respirer ?

Les pires entreprise­s sont évidemment de grandes multinatio­nales qui pratiquent l’évasion fiscale. Certaines d’entre elles, notamment les grosses firmes technologi­ques, pratiquent l’optimisati­on fiscale agressive.

Elles menacent aussi de partir si on leur demande de payer leurs impôts. Ces pratiques étaient immorales avant la crise. Elles le sont encore plus maintenant.

4 TAXER LE CAPITAL

Finalement, la crise actuelle soulève une question éthique cruciale : est-il juste de refiler la facture aux génération­s futures, sous la forme d’une gigantesqu­e dette publique ? C’est une idée qui se défend.

Toutefois, une autre idée est tout aussi intéressan­te : faire payer les génération­s passées. Et pas besoin de réveiller les morts ! Celles-ci vivent toujours parmi nous sous la forme de capital accumulé qui a été versé en héritages.

On trouve, parmi les défenseurs de cette approche, l’économiste français Thomas Piketty. Celui-ci aime bien nous rappeler que nos sociétés riches ont parfois des gouverneme­nts pauvres… parce que ceux-ci n’ont pas le courage d’aller taxer l’argent où il se trouve.

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