Le Journal de Quebec

Ils achètent votre maison comptant

La Ville de Longueuil a déclaré la guerre à des entreprene­urs en constructi­on

- FRANCIS HALIN

Des entreprene­urs en constructi­on prêts à acheter des bungalows à gros prix en argent comptant pour bâtir leurs plex se font brasser par la mairesse de Longueuil, qui veut mettre fin au Far West.

« Plus de 90 % des bungalows que l’on démolit, vous n’iriez même pas rester dedans. Ce sont des blocs de béton. L’humidité rentre partout. Les personnes qui vendent ces maisons-là n’ont pas d’argent, donc ils ne peuvent pas les réparer et les entretenir », a expliqué Steeve Blanchet, propriétai­re de Constructi­on Propulsion.

La semaine dernière, la mairesse de Longueuil, Sylvie Parent, a créé un choc dans le monde de la constructi­on en dénonçant la démolition de bungalows de certains quartiers au profit d’immeubles à revenus.

« Le Far West vit ses derniers moments à Longueuil ! », a-t-elle affirmé, en promettant de nouvelles règles pour « sonner la fin à la récréation ».

Sa sortie faisait écho au groupe Facebook « Résident.e.s de Longueuil pour un urbanisme cohérent », qui canalise la colère des résidents qui n’en peuvent plus de voir des bungalows des alentours rayés de la carte.

« J’ai peur des délais, et que, pendant ce temps-là, le massacre continue. Il faut un moratoire pour que l’on arrête tout de suite de délivrer des permis », a déploré Lyette Bouchard, résidente de Longueuil et cofondatri­ce du groupe.

« Depuis un an, on cogne à ma porte pour acheter notre maison. Ils sont très insistants. On brosse un portrait négatif de l’économie. On offre la lune », a observé Jacynthe Plamondon-émond, de Longueuil.

« ARGENT COMPTANT »

Au cours des derniers jours, Le Journal a parlé à plusieurs entreprene­urs pour entendre ce qu’ils avaient à dire en pleine tempête.

Pour Jeffly Julien, de JLN Solutions, embauché par les constructe­urs pour trouver des maisons ou des terrains sur lesquels bâtir des immeubles à logement, le jeu en vaut la chandelle.

« On achète souvent en argent comptant. On n’a pas à aller chercher de l’aide des banques. Ça permet de rendre le processus plus facile parce que c’est liquide », a expliqué l’homme d’affaires de 25 ans, payé à la commission.

DRAMES HUMAINS EN VUE

Divorces, difficulté­s financière­s, maisons délabrées… Jeffly Julien est parfois prêt à payer jusqu’à 20 % de plus pour mettre la main sur des propriétés.

« J’ai une trentaine de maisons. Si Longueuil va de l’avant, je vais perdre un bon 100 000 $ par maison, plus les profits, donc je risque de perdre un bon cinq ou six millions de dollars », a souligné Steeve Blanchet, de Constructi­on Propulsion.

D’après lui, non seulement l a Ville va trop vite, mais des drames humains risquent d’éclater bientôt parce que des gens qui avaient cru vendre leur bungalow 300 000 $ vont voir leur prix chuter de plus de 100 000 $.

« Les entreprene­urs qui les avaient achetés ne les voudront plus s’ils n’ont plus le droit de faire un plex. Tout le monde va être perdant là-dedans. Les promoteurs vont perdre de l’argent et les gens qui avaient vendu leur maison vont se retrouver le bec à l’eau », a-t-il conclu.

En octobre dernier, le prix médian d’un plex (2 à 5 logements) était de

629 000 dollars, comparativ­ement à 561 000 dollars l’an dernier dans le secteur de Longueuil, selon l’associatio­n profession­nelle des courtiers immobilier­s du Québec (APCIQ).

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PHOTO FRANCIS HALIN Jeffly Julien, de JLN Solutions Ltd, passe ses journées à dénicher des bungalows et autres résidences unifamilia­les pour le compte des constructe­urs de multiplex.
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Mairesse de Longueuil
SYLVIE PARENT Mairesse de Longueuil

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