Le Journal de Quebec

Comment les tumeurs du cerveau échappent au système immunitair­e

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Une fonction capitale du système immunitair­e est d’éliminer des millions de cellules anormales potentiell­ement cancéreuse­s qui se forment spontanéme­nt en nous chaque jour. Pour éviter d’être détruites dès leur apparition, les cellules cancéreuse­s doivent donc absolument développer la capacité de demeurer indétectab­les afin d’échapper à la vigilance des cellules immunitair­es spécialisé­es dans leur éliminatio­n, les lymphocyte­s T tueurs notamment.

IMMUNOTHÉR­APIE

Un des subterfuge­s utilisés par les cellules cancéreuse­s pour échapper à ces cellules est d’exprimer à leur surface une protéine appelée PD-L1 : cette protéine neutralise l’antenne moléculair­e PD-1 utilisée par les lymphocyte­s T pour détecter une cellule anormale et leur permet donc d’aveugler les lymphocyte­s et d’échapper à la destructio­n.

La base de l’immunothér­apie est donc de neutralise­r cette interactio­n entre les cellules immunitair­es et tumorales de façon à permettre au système immunitair­e de s’activer et d’éliminer les cellules cancéreuse­s.

Au cours des dernières années, plusieurs anticorps capables d’empêcher l’interactio­n PD-L1/ PD-1 ont fait leur apparition en clinique et les résultats obtenus sont dans certains cas tout à fait remarquabl­es, en particulie­r chez des patients atteints de mélanomes métastatiq­ues ou d’un cancer du poumon ( 1).

Par contre, une grave limitation de cette approche immunothér­apeutique, dont on ne comprend toujours pas les raisons, est la résistance à ces médicament­s observée chez plusieurs patients ainsi que l’apparition de désordres immunitair­es graves chez certains d’entre eux.

ACCUMULATI­ON DE CUIVRE

Des études antérieure­s ont montré que certaines cellules cancéreuse­s, celles présentes dans les tumeurs cérébrales notamment, sont avides de cuivre et peuvent en contenir jusqu’à 6 fois plus que les cellules normales ( 2).

Pour déterminer si cette accumulati­on anormale de cuivre pourrait contribuer à la résistance à l’immunothér­apie, une équipe de chercheurs australien­s a analysé des échantillo­ns provenant de tumeurs connues pour ne pas répondre à l’immunothér­apie, soit les neuroblast­omes (la principale forme de cancer du cerveau chez les enfants) et les glioblasto­mes (le cancer ayant l’un des pires taux de survie, soit 5 % après 5 ans).

Ils ont tout d’abord observé une forte corrélatio­n entre l’expression de la protéine CTR-1, responsabl­e du transport du cuivre dans les cellules, et la protéine PD-L1 utilisée par les cellules cancéreuse­s pour échapper au système immunitair­e ( 3).

Cette associatio­n semble causée par un impact direct du cuivre sur l’expression de PD-L1, car l’addition de ce métal à des cellules de neu-roblastome­s et de glioblasto­mes a montré une forte activation du gène codant cette protéine.

À l’inverse, l’addition d’une molécule qui trappe spécifique­ment le cuivre, la tri et hylèn et et ra mine (TETA), bloque cette hausse d’expression de PD-L1 dans les cellules cancéreuse­s.

Ces résultats suggèrent donc qu’une réduction des taux de cuivre pourrait priver les cellules cancéreuse­s de leur principal moyen de tromper le système immunitair­e.

AMÉLIORER L’IMMUNOTHÉR­APIE

Le potentiel clinique de cette approche a été évalué en administra­nt le chélateur de cuivre (TETA) à des animaux porteurs de neu-roblastome­s et de glioblasto­mes.

Les chercheurs ont observé que cette molécule faisait considérab­lement diminuer l’expression de PD-L1 dans les tumeurs, augmentait le nombre de lymphocyte­s T tueurs dans la matrice tumorale et améliorait la survie des animaux.

Ces résultats mettent en lumière le rôle important du cuivre dans la résistance de certaines tumeurs à l’action du système immunitair­e et suggèrent qu’une réduction des taux sanguins de ce métal pourrait constituer une avenue prometteus­e pour améliorer l’efficacité de l’immunothér­apie.

Cela est d’autant plus intéressan­t que ces chélateurs de cuivre sont déjà utilisés en clinique pour traiter certains désordres, comme la maladie de Wilson, un désordre génétique qui entraîne une accumulati­on excessive de cuivre dans différents organes.

Ces molécules sont peu coûteuses, n’ont pas d’effets secondaire­s majeurs et on pourrait donc rapidement évaluer leur potentiel à améliorer l’efficacité des immunothér­apies dans des essais cliniques.

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