Le Journal de Quebec

Jay Du Temple et son cutex

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Quand j’ai vu l’humoriste Jay Du Temple à la une du magazine ELLE Québec, les cheveux teints en vert et portant du vernis sur les ongles, j’étais certaine que ça allait créer une controvers­e.

Je m’attendais à ce que des mononcles coincés s’étouffent dans leur bière en voyant, dans le magazine, l’animateur D’OD porter une couronne de fleurs sur la tête.

Mais je n’avais jamais imaginé que ça ferait une controvers­e… auprès de la communauté LGBTQ !

Après les accusation­s d’appropriat­ion culturelle, voici une histoire d’appropriat­ion… vestimenta­ire !

TOUCHE PAS À MES BIJOUX !

Sur les médias sociaux, Jay Du Temple s’est fait reprocher de s’approprier des codes vestimenta­ires gai alors qu’il n’est pas gai, de s’habiller de façon non genrée alors qu’il n’est pas non binaire, de s’habiller comme une personne transgenre alors qu’il est cisgenre, de porter des bijoux et du maquillage comme une personne queer alors qu’il n’est pas queer.

Le magazine Urbania a interviewé un intervenan­t offensé : « J’aurais préféré que ce soit un.e membre de la communauté LGBTQ+ qui apparaisse en couverture du ELLE, même si je trouve que Jay Du Temple est un homme qui est capable de reconnaîtr­e ses privilèges, ce qui est inspirant. Par contre, je ne trouve pas que c’était sa place de faire un cover et un reportage avec autant d’emprunts à une culture à laquelle il n’appartient pas ».

Une culture à laquelle il n’appartient pas ? Les ongles colorés, c’est juste pour les hommes gais ? Les bagues aux doigts, les perles autour du cou, c’est interdit aux hétéros ?

Si vous suivez le moindremen­t Jay Du Temple depuis ses débuts, vous savez que ce garslà, hétéro et né dans un corps d’homme, s’amuse constammen­t avec le mélange des genres. Il porte du Cutex (comme dit ma belle-mère) ou du rouge à lèvres, porte les cheveux très longs ou rasés et teints, arbore un collier de perles autour du cou ou des bagues à chaque doigt, s’habille en rose, en mauve, en jaune pâle. Il a même porté une longue robe noire, fendue sur le côté, début novembre.

Si tu es straight, tu n’as pas le droit de t’habiller en pastel ? Si tu es hétéro, tu dois t’habiller « comme un homme » ?

Je pensais que les minorités de genre dénonçaien­t la discrimina­tion. Je pensais qu’en 2020, tout le monde pouvait s’habiller selon son gré.

Je pensais que l’ouverture et la diversité, c’était justement ça : des gars en jupe par solidarité avec les amies d’école ; des filles qui se montrent les aisselles poilues ; des gars qui se maquillent ; des filles avec du poil au menton. etc.

LUI QUÉBEC

Vendredi à

QUB radio, j’ai interviewé Sophie Banford, l’éditrice du ELLE Québec.

Pour elle, c’est (excusez l’expression anglaise) un cas de « damned if you do, damned if you don’t ».

Si tu ne montres que des modèles d’homme habillé en stéréotype de macho testostéro­né, tu te fais critiquer. Mais si tu montres un homme rose (très très rose), tu te fais critiquer.

Ce que démontre cette controvers­e, c’est que même si tu te fends en quatre pour être super ouvert, super inclusif, il y aura toujours quelqu’un qui trouve que tu ne vas pas assez loin.

Il y aura toujours quelqu’un pour être offensé.

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PHOTO COURTOISIE ELLE QUÉBEC

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