Nul ne peut ignorer la loi, avertissent des experts
Deux experts en droit et en déontologie trouvent anormal et imprudent que le juge en chef Jacques R. Fournier ait ignoré l’existence d’une politique sur les voyages des magistrats.
Maxime St-hilaire, professeur à la faculté de droit de l’université de Sherbrooke, est étonné.
« Le droit oppose aux justiciables le principe que nul n’est censé ignorer la loi », dit-il.
Selon M. St-hilaire, M. Fournier est pourtant personnellement chargé par la politique du Conseil canadien de la magistrature (CCM) d’autoriser ou non les voyages des juges de la Cour supérieure qu’il supervise.
« On s’attend à ce que les juges connaissent les règles qui s’appliquent à eux et qu’ils sont chargés d’appliquer à la magistrature », a-t-il dit.
M. St-hilaire souligne que la politique du CCM vise entre autres à éviter que des juges ternissent la réputation de la magistrature en s’associant à des activités contraires aux droits de la personne.
Il juge problématique que cet aspect ne semble pas avoir été considéré.
« Si ça ne lui est jamais passé par la tête, il a agi contrairement à la politique, et d’autant plus qu’il est chargé de l’application de politique », a-t-il dit.
PRUDENCE
Sèdjro Hountohotegbè, aussi professeur de droit à l’université de Sherbrooke, croit que la population pouvait s’attendre à plus de M. Fournier.
« Le fameux adage “Nul n’est censé ignorer la loi” existe, et encore plus quand on est magistrat », a-t-il dit.
M. Hountohotegbè estime qu’il aurait été plus prudent pour M. Fournier d’informer le commissariat fédéral à la magistrature de son voyage, comme le prévoit la politique du CCM.
« Un degré supplémentaire de prudence, en raison du contexte de tensions en Chine, aurait été de consulter le commissaire », a-t-il dit.
Selon M. Hountohotegbè, toute participation d’un juge en chef à une activité internationale a une connotation politique et aurait pu créer la perception que la magistrature canadienne « s’accommode de certains traitements qui, officiellement au Canada, sont déplorés pour nos ressortissants à l’étranger ».