Le Journal de Quebec

Le commandant Chiasson pourrait-il intervenir ?

- guy.fournier@quebecorme­dia.com

Grâce à une enquête du Journal de Montréal et à une petite phrase du discours du trône, la question du français prend subitement beaucoup de place.

Pour une fois, Ottawa et Québec semblent s’entendre sur les périls que court notre langue. Ils ne sont pas les seuls inquiets. Depuis l’enquête du Journal, chroniqueu­rs et animateurs de tout acabit démontrent par des exemples ou des anecdotes que le français est en perte de vitesse. Surtout à Montréal.

Hélas ! personne ne parle de la dégradatio­n croissante du français qu’on entend à la télévision et à la radio, deux médias qui ont une profonde influence sur la langue que nous parlons.

Dans les années qui ont suivi la création du Canal 2 de Radio-canada, le vocabulair­e des Québécois (on disait alors les « Canadiens français ») a fait des pas de géant. Puis, la loi 101 et l’office de la langue ont fini de « franciser » le Québec. Même au garage du coin, les termes de « char » comme les « windshield­s », les « bumpers » et les « wipers » ont disparu pour faire place aux mots justes.

Pendant des décennies, chef de file du « bon parler français » et modèle pour tous les autres médias, Radio-canada est devenu le premier fossoyeur de la langue française. C’est ainsi que sur Ici Musique, on peut présenter une « toune » de Mozart !

ON SACRE ET ON JURE

Petit à petit, la plupart des séries québécoise­s, celles que Radio-canada diffuse encore plus que les autres, sont devenues de véritables écoles des mots de ruelle, des sacres et des jurons. Les personnage­s, autant les femmes que les hommes, farcissent désormais leurs répliques de mots et d’expression­s qui auraient fait friser toutes les oreilles il n’y a pas si longtemps.

Comme si ce n’était pas assez pour abâtardir notre langue à tout jamais, acteurs et actrices oublient – ou n’ont jamais su – que la langue est aussi une affaire d’élocution. Jurons et sacres sont à peu près les seuls mots dans lesquels nos acteurs mordent avec conviction. En général, leur prononciat­ion est molle et sans vie, si bien qu’on se demande constammen­t ce qu’ils ont dit. Les fins de phrase sont inintellig­ibles et les voyelles sont aphones.

Petit à petit, la plupart des séries québécoise­s (...) sont devenues de véritables écoles des mots de ruelle, des sacres et des jurons

DU CINÉMA À DISTRICT 31

Les longs métrages québécois sont d’authentiqu­es festivals de bouches molles. Je vous défie de comprendre toutes les répliques de Matthias et Maxime, le film de Xavier Dolan. Anglicisme­s, calques de l’anglais, fautes grossières, tout y est. Vous aurez autant de mal avec les répliques de La femme de mon frère, l’excellent film de Monia Chokri. Mais comment espérer que cette réalisatri­ce demande à ses acteurs d’articuler, alors qu’elle est inintellig­ible en Charlotte Beauséjour dans le film Clémenceau ?

Je cite ces deux films québécois, mais je pourrais presque tous les nommer. Il faudrait ajouter des sous-titres à la plupart afin de pallier la bouche molle de leurs vedettes.

Je suis aussi à la veille d’activer les sous-titres pour malentenda­nts quand je regarde District 31. J’adore la série, mais imaginez mon emballemen­t si je ne perdais pas autant de répliques de Guillaume Otis, de Michel Charrette et de la plupart des autres enquêteurs. Le commandant Chiasson pourrait-il intervenir, s’il vous plaît ?

Pour l’instant, c’est tout à l’honneur des policières de District 31 d’avoir la bouche moins molle que leurs confrères.

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