Le Journal de Quebec

Au-delà du vaccin, voici une autre importante percée sur la COVID-19

Les caillots sanguins sont impliqués dans les complicati­ons sévères de la maladie, selon une découverte récente Les complicati­ons de la COVID-19 sont souvent causées par la présence de plusieurs caillots sanguins qui bloquent l’arrivée de sang aux organes

- RICHARD BÉLIVEAU

Malgré les bonnes nouvelles des dernières semaines sur les vaccins développés contre la COVID-19, il faut se résigner à devoir composer avec la maladie encore quelques mois, le temps que les vaccins soient produits à grande échelle et qu’on puisse immuniser une bonne partie de la population.

De nombreuses personnes deviendron­t malades durant cette période et il demeure important de continuer à chercher de nouvelles approches thérapeuti­ques pour réduire les complicati­ons graves de l’infection.

CAILLOTS SANGUINS

La COVID-19 n’est pas une infection respiratoi­re comme les autres. Parmi les nombreuses manifestat­ions cliniques atypiques de cette maladie (perte d’odorat et atteintes cardiaques et rénales, par exemple), un des phénomènes les plus curieux est la forte incidence de désordres de la coagulatio­n chez les patients qui développen­t des complicati­ons sévères de la maladie.

Ces thromboses (formation de caillots) peuvent mener à un arrêt de la circulatio­n sanguine aux organes vitaux (poumons, coeur, cerveau, rein) et ainsi causer plusieurs accidents graves (infarctus, AVC, embolie pulmonaire, défaillanc­e rénale) qui peuvent mener au décès des patients.

DÉRÈGLEMEN­T IMMUNITAIR­E

L’origine de ces caillots sanguins vient d’être élucidée par les travaux d’un groupe de chercheurs américains dont les résultats ont été récemment publiés dans Science Translatio­nal Medicine( 1).

Dans cette étude portant sur 172 patients gravement atteints de la COVID-19 et qui étaient hospitalis­és en raison de la maladie, ils ont découvert que la moitié des patients avaient développé des autoantico­rps, c’est-à-dire des anticorps qui au lieu de défendre le corps contre les agents pathogènes, attaquent plutôt nos propres cellules.

Ces auto-anticorps présents chez les patients COVID-19 sont les mêmes que ceux retrouvés chez les patients atteints d’une maladie auto-immune appelée syndrome des anti phospholip­ides: dans cette maladie, ces auto-anticorps qui circulent dans le sang interagiss­ent avec les phospholip­ides présents dans la membrane des cellules, en particulie­r les plaquettes sanguines et les cellules qui tapissent les vaisseaux sanguins, ce qui entraîne la formation de caillots.

Les patients présentant les taux sanguins les plus élevés de ces auto-anticorps étaient aussi ceux qui avaient développé les formes les plus sévères de COVID-19, indiquant que ce dérèglemen­t immunitair­e joue vraisembla­blement un rôle très important dans le développem­ent des complicati­ons de cette maladie.

Les chercheurs ont également observé que ces caillots contenaien­t de grandes quantités de neutrophil­es, un type de cellule immunitair­e qui forme la première ligne de défense de l’organisme contre les infections.

Chez les patients atteints de COVID-19, ces neutrophil­es sont hyperactif­s et explosent au site du caillot, générant un environnem­ent inflammato­ire qui attire d’autres facteurs de coagulatio­n circulant dans le sang.

Un cercle vicieux se met alors en place, avec une inflammati­on qui active la coagulatio­n, et une coagulatio­n qui entraîne encore plus d’inflammati­on, menant à l’apparition d’une multitude de caillots sanguins obstruant le passage du sang vers les organes vitaux.

CES OBSERVATIO­NS SONT TRÈS IMPORTANTE­S, POUR DEUX PRINCIPALE­S RAISONS :

1 Des tests biochimiqu­es pour mesurer la présence des auto-anticorps présents dans le syndrome des antiphosph­olipides sont déjà accessible­s et peuvent donc être utilisés pour identifier les patients les plus susceptibl­es de bénéficier d’un traitement avec des anticoagul­ants afin de prévenir le développem­ent de complicati­ons graves de la COVID-19;

2 Certains médicament­s comme le dipyridamo­le sont déjà approuvés pour traiter les accidents vasculaire­s cérébraux et prévenir les caillots sanguins chez les personnes qui reçoivent des valves cardiaques mécaniques, et il sera possible de tester cette molécule pour déterminer si elle peut également réduire le risque de coagulatio­n chez les patients COVID-19. La recherche scientifiq­ue sur la COVID fait que notre compréhens­ion biochimiqu­e des processus moléculair­es associés à l’infection par ce coronaviru­s a explosé en quelques mois. Cet exploit remarquabl­e des chercheurs du monde entier se concrétise par la mise en place de nouvelles stratégies d’interventi­on thérapeuti­que, basées sur une approche rationnell­e de ces mécanismes d’infection. Vacciner pour mieux prévenir l’infection, mais également mieux traiter ceux qui seront gravement infectés, voilà comment nous allons venir à bout de cette pandémie, dans les prochains mois.

Zuo Y et coll. Prothrombo­tic autoantibo­dies in serum from patients hospitaliz­ed with COVID-19. Science Trans. Med., publié le 2 novembre 2020.

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Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale
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PHOTO AFP Cette découverte pourrait permettre de sauver la vie de patients qui subissent des complicati­ons graves de la COVID-19. Sur la photo, du personnel médical surveille un patient à l’unité de soins intensifs COVID-19 d’un hôpital de Rome, en Italie.

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