Des insultes à la pelletée
Pénible début de saison pour le moral des déneigeurs
Des déneigeurs croient être victimes de la tension accumulée durant la pandémie, alors qu’ils reçoivent un nombre jamais vu de messages haineux à leur endroit après seulement une première chute de neige.
« Coudonc, tabarnak, avez-vous tous attrapé la COVID ? Parce que ma cour n’est pas déneigée encore ! »
Voici un exemple bien concret d’un des nombreux appels qu’a reçus l’entreprise Entretien JFB, de Charlesbourg, lors de la première bordée de neige la semaine dernière. Le propriétaire de la compagnie, Jean-françois Bédard, estime que ce genre de comportement n’est pas nouveau, mais que « ça a empiré énormément cette année ».
Un de ses opérateurs a même été accueilli avec deux doigts d’honneur à son arrivée dans la cour d’un client.
« En étant confinés à la maison ou en télétravail, les gens sont plus souvent dans les fenêtres et ils sont moins tolérants. Ils sont plus rapides sur le téléphone et au lieu de trouver des solutions, ils nous crient des insultes », explique l’entrepreneur.
« Les gens sont sur le bord d’éclater à cause de la pandémie. Il y a beaucoup de tension et d’agressivité accumulées. Leur résidence est le seul endroit où ils sont maîtres et ils en profitent », déplore-t-il.
APPRÉHENSION
La situation est telle que M. Bédard n’a eu d’autre choix que d’envoyer un courriel à tous ses clients pour leur expliquer la situation et faire un appel au respect.
Il envisage d’ailleurs le reste de l’hiver avec une certaine appréhension. Comme plusieurs entreprises, la sienne n’est pas à l’abri d’une propagation du virus, ce qui pourrait ralentir le rythme et l’efficacité du déneigement.
« Déjà, lors de la première neige, on a deux ou trois opérateurs qui ont dû rester à la maison en isolement parce qu’un de leur proche a testé positif au virus. On a des travailleurs de remplacement, mais [ils ne sont pas nombreux] et ne connaissent pas tous les caprices de chacun des clients », souligne l’homme.
Même son de cloche du côté d’entretien P.J.P., à Beauport, dont les secrétaires ont déjà dû encaisser bon nombre d’insultes, alors que l’hiver pointe à peine le bout de son nez.
« Les gens sont à la maison, ils sont au courant de l’heure à laquelle on passe. Ils n’en manquent pas une, c’est rendu ridicule ! » indique son propriétaire, Jean-philippe Perron, faisant écho aux propos de son compétiteur.
M. Perron rappelle également que la pandémie a eu des impacts importants sur son entreprise. Pouvant compter sur moins de main-d’oeuvre qu’habituellement, il a dû embaucher des personnes qui n’avaient jamais conduit de tracteur auparavant.
« On aimerait passer un message de tolérance à la population, particulièrement cette année. »
MANQUE DE MAIN-D’OEUVRE
À entendre plusieurs propriétaires d’entreprises de déneigement, le métier de déneigeur vient quasiment de pair avec des propos injurieux. Ce n’est pas un hasard si la main-d’oeuvre est souvent manquante dans le domaine.
« À force de leur taper sur la tête, on a des opérateurs qui partent. Ils sont rares, ceux qui font 25 ans dans ce métier », soupire M. Perron.