Entrepreneurs fâchés contre l’état
Le gouvernement québécois doit favoriser la proximité et la qualité, selon des compagnies du domaine médical
Des entrepreneurs du milieu de la santé dénoncent le manque de considération du gouvernement du Québec pour les compagnies d’ici dans ses appels d’offres.
« On ne demande pas que les compagnies d’ici soient avantagées en vendant de moins bons produits à un prix plus élevé. Ce qu’on demande, c’est que la proximité soit un critère », fait valoir Louis Laflamme, président d’opsens à Québec, qui se spécialise entre autres dans la technologie en cardiologie.
Dans un appel d’offres pour des fournitures en cardiologie qui se termine demain, des entrepreneurs québécois du domaine s’attendaient à ce que la proximité de leurs produits soit prise en considération, ce qui n’est pas le cas.
ACHAT LOCAL ?
Le gouvernement martèle depuis des mois l’importance de la consommation locale, ont-ils rappelé.
« Je pense que, s’il y a une leçon qu’on tire de la crise actuelle, c’est qu’on devrait être autonome pour les biens qui sont essentiels, puis l’équipement médical, c’est un bien essentiel », avait déclaré le premier ministre François Legault en conférence de presse au début avril.
AUCUN AVANTAGE
Des hommes d’affaires ont été très déçus que les « bottines ne suivent pas les babines ».
« Le premier ministre répète, depuis le début de la pandémie, qu’il faut encourager les produits québécois. Pour une fois qu’on a des produits médicaux spécialisés fabriqués au Québec… mais le gouvernement ne favorise aucune compagnie d’ici dans les appels d’offres », lance de son côté Guy Bélanger, président fondateur D’ATES Médical et de Benrikal Services, à Saint-bruno-de-Montarville, sur la Rive-sud de Montréal.
Aux yeux du gouvernement, « il n’y a aucun avantage à produire à SainteFoy au lieu du Costa Rica », résume M. Laflamme.
L’an passé, Opsens a généré près de 30 millions $ en chiffre d’affaires « au Japon, en Europe et en Amérique du Nord », détaille son président.
De ce montant, entre 500000 $ et 1 M$ ont été générés au Québec seulement, soutient M. Laflamme, qui assure offrir son produit au même prix que celui de ses compétiteurs, soit « entre 800 et 900 $ ».
« INCOHÉRENCE »
« On permet à des compagnies technologiques [comme Opsens] de s’installer dans le hub d’innovation à Sainte-foy. On leur donne des subventions, des allégements fiscaux, mais on préfère ne pas acheter leur produit, alors que ces entreprises-là exportent à travers le monde », résume le député solidaire de Rosemont, à Montréal, Vincent Marissal, qui pointe l’« incohérence » de Québec.
Le ministère de l’économie dit « étudier toutes les pistes possibles afin de favoriser les entreprises québécoises dans l’octroi des contrats publics au Québec ».
Le Secrétariat du Conseil du trésor n’a pas répondu aux questions du Journal.
LA LOI DU PLUS BAS PRIX
Pour Benoit Larose, vice-président de Medtech Canada, l’association nationale qui représente l’industrie des technologies médicales, il est temps que le gouvernement cesse de considérer l’approvisionnement du système de santé « comme une manière d’économiser ».
« La pandémie a été difficile […]. Dans un contexte de relance économique, c’est le temps de s’interroger sur nos pratiques », lâche-t-il.
Et les Québécois bénéficieraient de meilleurs soins de santé si les appels d’offres n’étaient pas uniquement centrés sur le prix, selon lui.
« Les contrats publics du ministère de la Santé ont un gros impact sur l’économie d’ici, déplore-t-il. […] Les fournisseurs sont en concurrence les uns avec les autres. Ils veulent le contrat. Ils proposeront des produits moins chers, moins performants ou d’anciennes générations. »