Le Journal de Quebec

Affaire Michaud : retrouver notre honneur perdu

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Que fait-on quand on commet une injustice ?

On le reconnaît, on s’excuse, on répare. Avec humilité et dignité. Sans « mais » ni « quoique ».

FAITS

Nous sommes le

14 décembre 2000. Je suis député et ministre dans le gouverneme­nt de Lucien Bouchard.

Nous arrivons à l’assemblée nationale pour la période de questions. C’est toujours fébrile.

Cette fois, je sens une fébrilité particuliè­re.

Une motion d’urgence sera déposée conjointem­ent par un des nôtres et un député du PLQ.

La motion condamne les propos « inacceptab­les » supposémen­t tenus par Yves Michaud à l’endroit des communauté­s ethniques et de la communauté juive, la veille, devant les États généraux sur la langue française.

Yves Michaud, à l’intention des plus jeunes, fut un journalist­e et ami de René Lévesque, ex-député du PLQ converti à la souveraine­té, ex-délégué général du Québec en France.

Nous ne demandons pas à voir quels sont ces propos supposémen­t condamnabl­es.

On ne vérifie pas. On fait confiance. On est dans un sauna politique. C’est une motion d’urgence. Chacun pense à ses petites affaires.

On adopte la motion sans débat et à l’unanimité. Je répète : sans débat et à l’unanimité.

Une affaire de quelques secondes… Rapidement, il apparaît que Michaud n’a rien dit d’épouvantab­le.

D’abord, il a déploré le vote monolithiq­ue de certains groupes ethnocultu­rels contre la souveraine­té.

Ensuite, citant Lionel Groulx, Michaud voudrait que les Québécois francophon­es prennent exemple sur le peuple juif, dont Groulx vante l’« âpre volonté de survivance », l’« invincible esprit de solidarité » et l’« impérissab­le armature morale ».

Il ne condamnait pas, il était admiratif au point de le donner en exemple.

Les calculs partisans et les rivalités personnell­es ont ensuite empêché les partis politiques et l’assemblée nationale de réparer cette injustice.

Ce que l’assemblée nationale a fait, seule l’assemblée nationale peut le défaire.

Au sein du PQ, beaucoup détestaien­t Michaud, un homme capable, il est vrai, d’être irritant comme du poil à gratter.

Le PLQ, voyant la bisbille au sein du PQ, nous laissait mijoter dans notre sauce.

Chacun agit donc individuel­lement. Le 29 octobre 2010, conférenci­er lors du banquet de la Ligue d’action nationale, j’offre publiqueme­nt mes excuses à M. Michaud.

Le 18 décembre 2010, plusieurs députés péquistes publient, dans Le Devoir, une lettre commune d’excuses. D’autres ont suivi.

Mais des excuses individuel­les, même nombreuses, ne font pas le poids devant la charge institutio­nnelle et symbolique d’une motion votée unanimemen­t par tous les élus du peuple.

Ce que l’assemblée nationale a fait, seule l’assemblée nationale peut le défaire.

Yves Michaud a aujourd’hui 90 ans. Je ne sais rien de son état de santé. Nous ne sommes pas des proches.

Il a 90 ans et traîne le poids de cette injustice depuis 20 ans.

RÉPARER

La poussière est retombée. Le personnel politique a été renouvelé.

Il ne reste à l’assemblée nationale qu’un seul député ayant voté cette motion : le premier ministre Legault, à l’époque ministre péquiste. M. Legault est un homme droit. Dans quelques jours, le 14 décembre, il y aura vingt ans que cette infamie fut commise.

Unanimemen­t, l’assemblée nationale doit retirer ses propos, s’excuser et adopter une motion réparatric­e.

Elle se grandira.

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