Le Journal de Quebec

Une mine d’or de savoirs cédée aux Américains

En large partie financée par les contribuab­les d’ici, Element AI détient une banque de 80 demandes de brevets

- FRANCIS HALIN ET SYLVAIN LAROCQUE

La firme d’intelligen­ce artificiel­le Element AI, abreuvée d’argent public et qui rêvait de devenir le premier géant du web québécois, s’est fait avaler hier par la Silicon Valley.

« Cette acquisitio­n inclut la propriété intellectu­elle d’element AI, qui compte environ 80 demandes de brevets », a confirmé au Journal Marc Lecuyer, directeur général de Servicenow pour le marché canadien.

Hier, Element AI n’a pas voulu divulguer le montant de la transactio­n.

Cependant, The Globe and Mail a avancé que le prix serait de moins de 400 millions de dollars américains.

Résultat, quelque 80 demandes de brevets québécois financés en partie par des fonds publics passeront aux mains de l’entreprise de la Silicon Valley.

Ces dernières années, Element AI a pu bénéficier d’un prêt de 20 millions $ du ministère fédéral de l’innovation, d’un investisse­ment en actions de 12,5 millions $ US du ministère de l’économie du Québec (sur les 25 millions $ US promis).

Selon une source bien informée, la Caisse de dépôt, qui détenait un investisse­ment entre 30 millions et 50 millions de dollars au 31 décembre 2019, fait un léger gain avec cette transactio­n.

DÉCEPTION

Hier, le ministre de l’économie Pierre Fitzgibbon n’a pas caché sa déception.

« Comme tout le monde, j’ai un peu une déception quand on regarde l’intention qu’il y avait en 2017 quand la société a été créée, l’objectif, c’était d’en faire un pont applicatif entre L’IA fondamenta­le vers les entreprise­s. Alors force est d’admettre que ce plan-là n’a pas fonctionné », a-t-il souligné au Journal.

Le ministre de l’économie du gouverneme­nt Legault a souligné que Servicenow prendra l’intelligen­ce artificiel­le d’element

AI pour faire ses produits, qu’elle revendra par la suite.

« On perd donc une partie de la valeur de la chaîne, il n’y a aucun doute. Par contre, au moins, on conserve, et j’espère qu’on va pouvoir augmenter, le nombre de personnes qui travaillen­t là. S’il le faut, on va aider Servicenow à le faire », a-t-il ajouté.

« On a de la propriété intellectu­elle qui appartiend­ra à un groupe américain. S’ils décident de créer des emplois ici, ce n’est pas grave, mais s’ils s’en vont, c’est là qu’on va se dire que l’on a fait une mauvaise transactio­n », a analysé de son côté l’ex-pdg d’anges Québec, François Gilbert.

L’EX-PDG de Blackberry, Jim Balsillie, n’a pas manqué d’écorcher les politicien­s, qui en font trop peu pour protéger nos entreprise­s, selon lui.

« Le Canada compte des entreprise­s D’IA qui ont fait leurs preuves sur le marché et des entreprene­urs qui créent des entreprise­s prospères, et il est grand temps qu’elles reçoivent l’attention qu’elles méritent », a-t-il déclaré à La Presse canadienne.

PAS D’ENTREVUE

Hier, Element AI, qui a amassé plus de 250 millions de dollars américains en à peine quatre ans d’existence, a refusé d’accorder une entrevue au Journal. Ses cofondateu­rs Yoshua Bengio et Jean-françois Gagné ont, tour à tour, fermé la porte.

L’américaine Servicenow n’a pas été non plus en mesure d’accorder une entrevue au Journal. Elle a exigé d’avoir les questions par courriel et a fourni les réponses par la bouche de la firme de relations publiques Edelman.

« On a accompagné Element AI de façon intensive, ces dernières années, et la seule issue possible, c’était de trouver un partenaire stratégiqu­e qui allait permettre à Element AI de poursuivre ses activités et de croître à Montréal sur le long terme », a indiqué pour sa part Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse, qui avait appuyé la jeune entreprise québécoise.

 ?? PHOTO TIRÉE DE TWITTER ?? Le PDG Jean-françois Gagné ( photo), les cofondateu­rs Yoshua Bengio, Anne Martel et Nicolas Chapados, la Caisse de dépôt, la Banque Nationale, Real Ventures ainsi que la Banque de développem­ent du Canada font partie des actionnair­es canadiens d’element AI.
PHOTO TIRÉE DE TWITTER Le PDG Jean-françois Gagné ( photo), les cofondateu­rs Yoshua Bengio, Anne Martel et Nicolas Chapados, la Caisse de dépôt, la Banque Nationale, Real Ventures ainsi que la Banque de développem­ent du Canada font partie des actionnair­es canadiens d’element AI.

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