Une mine d’or de savoirs cédée aux Américains
En large partie financée par les contribuables d’ici, Element AI détient une banque de 80 demandes de brevets
La firme d’intelligence artificielle Element AI, abreuvée d’argent public et qui rêvait de devenir le premier géant du web québécois, s’est fait avaler hier par la Silicon Valley.
« Cette acquisition inclut la propriété intellectuelle d’element AI, qui compte environ 80 demandes de brevets », a confirmé au Journal Marc Lecuyer, directeur général de Servicenow pour le marché canadien.
Hier, Element AI n’a pas voulu divulguer le montant de la transaction.
Cependant, The Globe and Mail a avancé que le prix serait de moins de 400 millions de dollars américains.
Résultat, quelque 80 demandes de brevets québécois financés en partie par des fonds publics passeront aux mains de l’entreprise de la Silicon Valley.
Ces dernières années, Element AI a pu bénéficier d’un prêt de 20 millions $ du ministère fédéral de l’innovation, d’un investissement en actions de 12,5 millions $ US du ministère de l’économie du Québec (sur les 25 millions $ US promis).
Selon une source bien informée, la Caisse de dépôt, qui détenait un investissement entre 30 millions et 50 millions de dollars au 31 décembre 2019, fait un léger gain avec cette transaction.
DÉCEPTION
Hier, le ministre de l’économie Pierre Fitzgibbon n’a pas caché sa déception.
« Comme tout le monde, j’ai un peu une déception quand on regarde l’intention qu’il y avait en 2017 quand la société a été créée, l’objectif, c’était d’en faire un pont applicatif entre L’IA fondamentale vers les entreprises. Alors force est d’admettre que ce plan-là n’a pas fonctionné », a-t-il souligné au Journal.
Le ministre de l’économie du gouvernement Legault a souligné que Servicenow prendra l’intelligence artificielle d’element
AI pour faire ses produits, qu’elle revendra par la suite.
« On perd donc une partie de la valeur de la chaîne, il n’y a aucun doute. Par contre, au moins, on conserve, et j’espère qu’on va pouvoir augmenter, le nombre de personnes qui travaillent là. S’il le faut, on va aider Servicenow à le faire », a-t-il ajouté.
« On a de la propriété intellectuelle qui appartiendra à un groupe américain. S’ils décident de créer des emplois ici, ce n’est pas grave, mais s’ils s’en vont, c’est là qu’on va se dire que l’on a fait une mauvaise transaction », a analysé de son côté l’ex-pdg d’anges Québec, François Gilbert.
L’EX-PDG de Blackberry, Jim Balsillie, n’a pas manqué d’écorcher les politiciens, qui en font trop peu pour protéger nos entreprises, selon lui.
« Le Canada compte des entreprises D’IA qui ont fait leurs preuves sur le marché et des entrepreneurs qui créent des entreprises prospères, et il est grand temps qu’elles reçoivent l’attention qu’elles méritent », a-t-il déclaré à La Presse canadienne.
PAS D’ENTREVUE
Hier, Element AI, qui a amassé plus de 250 millions de dollars américains en à peine quatre ans d’existence, a refusé d’accorder une entrevue au Journal. Ses cofondateurs Yoshua Bengio et Jean-françois Gagné ont, tour à tour, fermé la porte.
L’américaine Servicenow n’a pas été non plus en mesure d’accorder une entrevue au Journal. Elle a exigé d’avoir les questions par courriel et a fourni les réponses par la bouche de la firme de relations publiques Edelman.
« On a accompagné Element AI de façon intensive, ces dernières années, et la seule issue possible, c’était de trouver un partenaire stratégique qui allait permettre à Element AI de poursuivre ses activités et de croître à Montréal sur le long terme », a indiqué pour sa part Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse, qui avait appuyé la jeune entreprise québécoise.