Inquiète d’être en concurrence avec les plus jeunes
Dans le système de santé, on nous parle d’un protocole pour les soins hospitaliers reliés à la COVID-19. À travers les mots bien choisis, je décode qu’un choix sera fait entre les malades auxquels un traitement adéquat sera appliqué et ceux qui recevront les meilleurs soins d’accompagnement possible.
J’aimerais connaître le contenu dudit protocole, mais il semble bon de ne pas tout dire. Le point qui m’a frappé, c’est celui de l’âge.
– Une personne jeune a plus de chance de survivre qu’une personne âgée.
– Donner à une personne jeune la chance de vivre les années qu’une personne âgée a vécues quant à elle.
De ce préambule découlent pour moi du bonheur et du désarroi.
MA JOIE
J’ai l’espoir que les jeunes n’auront pas à vivre ma frustration actuelle. Je les veux heureux. J’ai le souci de leur santé mentale. Ils le méritent. J’ai la joie de penser aux années de vie qui sont devant eux. Je leur souhaite de très beaux jours. J’ai le désir de les voir apprendre, s’instruire, connaître, vivre des expériences. J’aime profondément l’éducation et la vie à l’école.
J’ai eu la joie de mettre quatre enfants au monde. Mon époux et moi avons payé mes accouchements et ma chambre d’hôpital à chaque naissance. Aucune assurance maladie à cette époque. Nous avons payé les soins à nos enfants : pédiatre, dentiste, optométriste, médicaments, etc.
L’assurance maladie étant née en 1970, nous avons par la suite contribué aux soins des femmes enceintes, des enfants, des personnes âgées. C’était fait avec plaisir pour leur mieux-être et l’espoir de recevoir des bons soins quand notre tour viendrait.
MON DÉSARROI
Je suis âgée de 83 ans. Je ne prends aucun médicament. Je n’ai pas été hospitalisée. Je vis seule dans ma maison. Heureuse d’être en bonne santé, je me remercie d’en avoir pris soin. Je crains maintenant d’être en concurrence sanitaire avec une personne beaucoup plus jeune que moi et que le protocole doive s’appliquer.
Il est certain que cette jeune personne a de meilleures chances de survie que moi. Une année de vie vaut son pesant d’or pour moi. Je suis à la moisson de ma vie. J’estime avoir largement contribué au développement de la société québécoise et mériter la sérénité de ce temps précieux.
« On ne veut pas en arriver là », nous dit-on. Je crois fortement en cette volonté, mais je tiens à dire : « On n’aurait jamais dû en arriver là et on ne devra jamais en arriver là. »
Si votre empathie est vive, mêlez vos larmes aux miennes.