Le Journal de Quebec

Confiné loin des siens

- Jean Willer Marius Enseignant Gatineau

Montréal… ville tricentena­ire évocatrice de souvenirs grandioses à l’échelle planétaire, mégalopole, championne de la diversité culturelle, bientôt ville intelligen­te, disposant des ressources nécessaire­s à cette inévitable transition. Montréal… c’est tout cela. Bien plus encore.

Le montréalai­s en 2021, à 17 h, appréhende désormais le point de presse de ses dirigeants. Le jeu de yoyo : confinemen­t, déconfinem­ent, reconfinem­ent, a fini d’user sa patience, bouleverse son quotidien généraleme­nt paisible et accueillan­t.

Le plus intrépide gagne les rues, manifeste, tape du pied sous les yeux ravis des anti-masques baptisés à tort ou à raison : les complotist­es. Il affirme lutter pour défendre sa liberté, sa vie. Le policier a du pain sur la planche et le modéré, inquiet, se demande : que sont devenus le calme et le respect, principes fondateurs de toute démocratie fonctionne­lle ?

Après la manif, celui qui ne s’est pas fait interpelle­r rentre chez lui pour faire un compte-rendu épique de la situation aux membres de sa famille pendus à ses lèvres et promet de ne pas lâcher jusqu’à ce que…

Lourde bureaucrat­ie

Un autre devra rentrer seul, chaque jour, juste avant le couvre-feu. Il est seul non par amour de la solitude ou par choix, il l’assumerait. Il est seul parce que depuis plusieurs hivers maintenant il attend le verdict de l’immigratio­n pour récupérer sa famille et donner finalement un sens à sa vie. Il a beau essayer de revoir les siens, mais se heurte à chaque fois aux aléas : bureaucrat­ie !

Et, désormais confiné, seul, il éprouve non cette peur de mourir qui n’épargne personne en cette période troublée, mais celle, plus grande encore, de mourir loin des siens. De ne pas pouvoir les revoir, les bercer une dernière fois avant que la pandémie ne l’emporte si jamais il n’est pas encore listé pour recevoir sa dose.

Entre l’équilibre et la dépression Mon opinion peut paraître saugrenue pour l’autre qui estime qu’on a mieux à faire pour combattre la pandémie que de s’occuper de familles immigrante­s. J’espère qu’il réalise que pouvoir bercer son enfant, étreindre sa moitié constituen­t la plus grande richesse de l’humain, le dernier rempart entre l’équilibre et la dépression.

Puisqu’il faut trouver un coupable, on accuse ce dirigeant, on l’invective, même si au fond de soi on sait qu’il n’y est pour rien, qu’à sa place on prendrait les mêmes mesures pour lutter contre ce fléau qui s’installe sans invitation dans nos vies pour les transforme­r de manière irréversib­le, qu’au regard de ce qui se passe dans le grand monde, il ne leur reste pas beaucoup de choix.

Je partage mon opinion avec ce Montréalai­s qui croit en la capacité du grand Montréal d’innover dans cette pandémie et de montrer la voie aux autres villes à genoux. À tous ceux qui croient que nous avons une génération multitâche, capable de s’occuper de tous les dossiers en même temps, puisqu’à l’évidence la COVID serait là pour durer.

Enfin à ces milliers d’immigrants, confinés seuls, avec cette peur de mourir loin des leurs.

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