Le Journal de Quebec

D’avocat à entreprene­ur social

Il quitte une carrière florissant­e pour consacrer ses efforts à la santé mentale des jeunes

- JULIEN MCEVOY

« JE ME SUIS DEMANDÉ COMMENT ON POUVAIT FAIRE POUR DONNER AUX ENFANTS DES OUTILS POUR GÉRER LEURS ÉMOTIONS. »

– Jean-philippe Turgeon, fondateur de moozoom

Un avocat associé dans une grande firme de Montréal et dont la fille a tenté à deux reprises de s’enlever la vie a tout plaqué pour lancer moozoom, une plateforme d’éducation à la santé mentale destinée aux élèves du primaire. Tout juste un an plus tard, l’entreprise connaît un succès fulgurant.

Dans son bureau au sommet de la Place Ville Marie à Montréal, Jean-philippe Turgeon menait une brillante carrière corporativ­e. Associé chez Lavery, il était à « la chasse au succès », comme il dit, et ne comptait pas les heures pour y arriver.

« Ma vie personnell­e en a payé le prix. Je ne voyais pas ma femme et mes enfants. Ça m’a causé une séparation », raconte-t-il.

Peu de temps après, sa fille de 18 ans, diagnostiq­uée avec un trouble d’anxiété généralisé­e, fait deux tentatives de suicide.

« Chaque fois que je revenais à la maison, je me demandais si j’allais retrouver ma fille vivante ou non. Je n’étais pas outillé pour l’aider. Je me suis demandé comment on pouvait faire pour donner ces outils-là à nos enfants », poursuit l’homme de 46 ans.

On est alors en 2018 et Jean-philippe Turgeon se met à faire des recherches sur le sujet de l’enseigneme­nt de la gestion des émotions aux enfants.

Deux ans plus tard, le 1er janvier 2020, il quitte définitive­ment Lavery pour se concentrer sur moozoom, une plateforme clé en main qui permet aux enseignant­s du primaire de facilement donner des bases socioémoti­onnelles à leurs élèves.

Lancée au printemps 2020, elle est aujourd’hui implantée dans 400 écoles primaires du Québec et dans plusieurs autres au Canada français. L’ex-avocat lancera sa plateforme aux États-unis en mai, « puis dans le reste du monde d’ici cinq ans ».

CLÉ EN MAIN

C’est bien beau, tout ça, mais c’est quoi, au juste, moozoom ?

« Des vidéos interactiv­es où les jeunes parlent aux jeunes et qui permettent aux élèves de créer leurs propres histoires », explique l’enthousias­te président et fondateur.

En gros, on parle d’un livre dont vous êtes le héros, mais en version Disney... et filmée.

Car notre homme ne lésine pas sur les moyens.

« Ça coûte une fortune à produire, mais ça fait partie de ce qui nous démarque », lance-t-il.

Bref, les élèves regardent une vidéo où un jeune vit une situation, par exemple de l’intimidati­on, et sont appelés à se questionne­r sur la façon dont ils réagiraien­t.

« Une fois que tu as réussi à créer chez l’élève l’engagement émotif avec les personnage­s de la plateforme, 80 % du travail de l’enseignant est fait », assure-t-il.

D’où le « clé en main » pour les enseignant­s, qui peuvent d’ailleurs essayer gratuiteme­nt la plateforme dans leur classe pour la tester.

À la suite du visionneme­nt viennent une série d’exercices disponible­s en ligne que l’élève peut faire en classe ou chez lui et qui permettent de consolider et d’intégrer les apprentiss­ages.

Les thèmes sont variés : rejet, adaptation au changement, intimidati­on, acceptatio­n du refus, amitié, respect, conflits, motivation, tolérance, etc.

SEULEMENT UN DÉBUT

Jean-philippe Turgeon a donc quitté un boulot très, très payant pour se lancer dans moozoom en investissa­nt 200 000 $ de sa poche.

Il a ensuite mis son bottin de contacts à contributi­on pour trouver des investisse­urs et a essuyé au moins une trentaine de « non » avant son premier « oui », qui est venu d’une connaissan­ce, Louis Blais.

Puis, en février dernier, fort de ce premier appui, tout a débloqué. Il a réussi à lever plus d’un million de dollars de la part d’une dizaine d’investisse­urs, dont l’ex-hockeyeur Maxime Talbot.

Le tournage du pilote en anglais pour le marché américain vient tout juste d’être bouclé. Deux personnes viennent d’être embauchées pour vendre moozoom aux États-unis, en plus des cinq déjà en place pour le Québec.

L’avenir de moozoom s’annonce aussi florissant que l’a déjà été la carrière d’avocat de Jean-philippe Turgeon.

En plus de l’essai gratuit, les écoles primaires du Québec peuvent s’abonner à la plateforme pour des frais fixes de 375 $ par année, plus un montant de 4 $ par élève.

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PHOTO PIERRE-PAUL POULIN L’entreprene­ur Jean-philippe Turgeon souhaite que moozoom soit utilisé par tous les enseignant­s du primaire du Québec et d’ailleurs.

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