Antoine Robitaille
Actuellement, tout le monde se cherche des recommandations de séries, films ou documentaires à regarder.
Lâchez Netflix deux minutes.
Surtout si vous vous intéressez à l’histoire politique, vous devez regarder Mon père de la Révolution tranquille (c’est gratuit sur savoir. media).
On y suit un des fils de Georges-émile Lapalme, Roger, qui cherche à mieux comprendre le parcours politique de son père.
En filigrane, on présente les étapes de préparation d’un buste de bronze (sculpture, coulage) de Lapalme, installé en 2017 devant le ministère de la Culture du Québec.
INTÉRÊT RENOUVELÉ
Il se passe quelque chose actuellement autour de la Révolution tranquille (RT) en général et de Georges-émile Lapalme en particulier.
Les historiens Martin Pâquet et Stéphane Savard publient Brève histoire de la Révolution tranquille (Boréal). L’ancien député libéral Claude Trudel, une Histoire du ministère de la culture (Boréal), où il consacre un important chapitre au « visionnaire » Lapalme (son visage orne la couverture).
À défaut d’avoir été premier ministre, Lapalme fut notre premier ministre de la Culture, de 1960 à 1964. Ce n’est pas un hasard, puisqu’il avait appelé de ses voeux la création de ce ministère, dans Pour une politique, livre manifeste publié à la fin des années 1950, qui deviendra la feuille de route de la RT.
La culture est au coeur de son plan. Chez lui, elle n’est évidemment pas réduite aux modes de divertissement et au développement des industries culturelles : « Il faut affirmer avec force », insiste-t-il, « que tout l’avenir » du Québec « doit s’édifier en fonction du fait français ».
CHEF CONTRE LE « CHEUF »
Lapalme fut chef du Parti libéral de 1950 à 1958.
Il eut la tâche ingrate d’affronter le « cheuf » Duplessis toutes ces années. Il fit l’indépendance... du PLQ, l’affranchissant du Parti libéral fédéral.
Aux élections de 1956, Lapalme est défait entre autres en raison de la fraude électorale duplessiste.
Deux ans plus tard, Lapalme cède sa place à Jean Lesage. Le parti reprend les écrits de Lapalme en guise de programme, qui devint la Révolution tranquille.
Une fois au pouvoir, Lesage réserve une place importante à Lapalme : en plus des « Affaires culturelles », il est vice-premier ministre et procureur général.
Cependant, pour la culture, Lesage n’a que peu d’intérêt et bloque à peu près tous les budgets que Lapalme réclame. Ce qui conduira à sa démission en 1964. Notons-le : Lapalme avait été un des premiers à appuyer Lévesque dans le projet de nationalisation de l’électricité.
INSPIRATION
Quand un libéral veut se montrer nationaliste de nos jours, il invoque rituellement Robert Bourassa.
Dominique Anglade le fit lorsqu’elle annonça sa volonté de diriger ce parti en novembre 2019.
Parce qu’il est un des seuls chefs libéraux à ne pas être devenu premier ministre avec Claude Ryan, Lapalme a été négligé dans la mémoire du PLQ.
Souverainiste caché ? En 1980, il resta neutre. Dans Pour une politique, il soulignait que le Québec avait plus de pouvoirs que les États américains : « Nous sommes une minorité maîtresse de son destin [...] sauf sur celui de la guerre et de la paix ».
État québécois fort, nationalisme, attachement au français, à la culture : Mme Anglade aurait avantage à s’en inspirer.