Mathieu Bock-côté
Michel Louvain était un artiste talentueux, qui a traversé les décennies en demeurant fidèle à son public, qui lui demeurait fidèle aussi.
Comme en toute carrière, il aura connu des années fastes et d’autres plus difficiles.
Heureusement, ces dernières années, celui qui fut d’abord un chanteur de charme à grand succès était devenu une figure très appréciée de la culture populaire.
MICHEL LOUVAIN
Rares sont ceux qui le trouvaient encore quétaine, comme on pouvait l’entendre dans les années 1990.
Il était devenu un symbole estimé, celui d’un homme qui incarnait certaines vertus éternelles, que les branchés de notre temps croient passées de mode.
L’homme était d’une courtoisie irréprochable, c’était un homme discret sur sa vie privée, ce qui n’est pas un défaut, et c’était un homme toujours élégant, ce qui tranche avec le débraillé généralisé de notre époque. Tous disent qu’il était profondément bienveillant.
Tout cela, nous le savions, mais son départ nous l’a rappelé.
À travers cela, on voit encore une fois à quel point la société québécoise n’est pas une subdivision de l’empire américain.
Les Québécois sont une nation, mais se vivent aussi collectivement comme une famille.
Ils s’attachent à leurs artistes, ils aiment leurs vedettes, ils ont même créé progressivement leur propre star-system, dans lequel ils se reconnaissent.
CULTURE
Une société complète, vraiment vivante et créatrice, sait se projeter à la fois dans la haute culture et dans la culture populaire, en sachant les deux nécessaires. Aucune ne doit mépriser l’autre, aucune ne doit snober l’autre.
Nous avons à la fois besoin, comme peuple, de grands compositeurs et de chanteurs populaires, d’hommes enracinés et de cosmopolites qui ne renient pas leur peuple.
Et dans notre petite société, toujours vivante et créatrice, Michel Louvain incarnait un rôle bien à lui, et aura su laisser une trace, à laquelle plusieurs demeureront sincèrement attachés.