Le Journal de Quebec

Une société de minorités

- PHILIPPE LÉGER e Blogueur au Journal Chroniqueu­r et journalist­e c philippe.leger2 @quebecorme­dia.com

Comment se fait-il que le Québec adopte une loi sur la laïcité de l’état, alors qu’ailleurs en Amérique du Nord, une telle loi n’existe pas ?

Comment se fait-il que le gouverneme­nt du Québec ne reconnaiss­e pas le racisme systémique, à la différence des autres provinces ?

Comment se fait-il que les débats sur l’appropriat­ion culturelle et la cancel culture provoquent plus de discorde chez nous ?

Certaines mauvaises langues affublent ces résistance­s québécoise­s au fait que le Québec serait, dans ses racines, plus raciste qu’ailleurs.

La vérité n’est pas aussi simple que cette pensée de slogans; ces classement­s sont ardus, et notre société est traversée par les mêmes fantômes que toutes les autres.

La vérité, c’est qu’à la différence d’ailleurs, tout le monde se considère comme une minorité au Québec.

SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE

Les Québécois francophon­es, d’abord, se sont toujours définis comme la minorité persécutée en Amérique du Nord. Notre histoire, à l’école comme celle qu’on se raconte, transmet cette peur de disparaîtr­e, cette fragilité collective.

Les Québécois anglophone­s se projettent aussi comme une minorité entourée d’une majorité francophon­e. Leur opposition aux lois 101 et 21 vient de ce désir de se protéger.

Les autochtone­s, éparpillés sur le territoire en onze nations distinctes, forment la minorité des minorités. Tellement minorisés que le terme « invisibili­sés » serait plus exact.

Les nouveaux arrivants, ceux des vagues d’immigratio­n récentes, se considèren­t aussi comme des minorités, en raison de leurs noms et visages différents de la majorité.

Ce drôle de mélange nous est propre, dans la mesure où les sociétés « normales » sont bien souvent composées d’une majorité et de minorités clairement définies.

Coexister, lorsque tous se considèren­t comme fragiles et sur la voie de la perdition, constitue tout un défi.

La loi 21 – en accord ou pas, là n’est pas la question – s’inscrit parfaiteme­nt dans ce dialogue où tous accusent l’autre d’être un danger existentie­l, où personne ne tente de se comprendre, où personne n’est capable de faire société.

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