Le Journal de Quebec

Oser rêver l’après-covid

- JOSÉE LEGAULT e Blogueuse au Journal Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique Depuis l’an dernier, nous vivons dans notre scaphandre de confinemen­t. Nous le faisons dans l’espoir d’une liberté, quelle qu’elle soit, un jour retrouvée. c josee.legaul

Le 25 mars 2020, j’écrivais ceci. Comme survivante du cancer, je remarque à quel point, au sein de sociétés entières, le choc de l’annonce d’une pandémie mondiale est similaire dans ses effets à celui d’un diagnostic de cancer.

Après le déni et la colère, l’acceptatio­n de l’inconnu et l’adaptation à l’imprévisib­le se pointent lentement, mais elles sont vitales. Car sans elles, le combat, quel qu’en soit le dénouement, est impossible.

Nous voilà donc 13 mois plus tard. La vaccinatio­n d’au moins 85 % de la population par deux doses – première véritable embellie – devrait se concrétise­r d’ici l’automne. La promesse d’une rémission, quoi.

À l’instar du cancer, même une rémission possible face à la pandémie s’annonce toutefois parsemée de précaution­s. Une prudence qu’il ne faudra pas abandonner avant un bon bail. Incluant le port du masque. Devant un virus respiratoi­re aussi féroce, c’est inévitable.

Bref, osons rêver l’après-covid, mais faisons-le comme on rêve l’aprèschimi­o. En tenant le coup jusqu’au bout des traitement­s, et bien après encore.

Il y a quelques jours, j’ai relu le chefd’oeuvre de feu Jean-dominique Bauby, Le scaphandre et le papillon. L’analogie avec la pandémie y est tout aussi puissante.

DU SCAPHANDRE AU PAPILLON

Décédé en 1997, le journalist­e français vedette et rédacteur en chef du magazine Elle y fait le récit du « syndrome d’enfermemen­t » dans lequel il a basculé en 1995 suite à un AVC qui l’avait plongé dans le coma.

Incapable de parler et complèteme­nt paralysé, sauf pour sa paupière gauche, à 42 ans, Jean-dominique Bauby s’est retrouvé prisonnier dans son propre corps. Son esprit, lui, intact. De son lit d’hôpital, grâce à un code de clignement­s de l’oeil, il réussira néanmoins à dicter son livre à sa collaborat­rice.

De cette lecture, on ne ressort pas indemne. Enfermé dans un corps condamné à ne plus bouger – ou confiné, comme on dirait en temps de pandémie –, il revit ses plus beaux moments, petits ou grands bonheurs.

La leçon de vie qu’il nous sert est déchirante et inspirante. Dans cette pandémie qui, cruellemen­t, nous cloue chez nous et nous coupe du monde, j’aime particuliè­rement ce passage.

Lumineux, il éclaire les forces de l’imaginaire face à l’épreuve : « J’ai adoré voyager. Par chance, j’ai pu emmagasine­r au cours des années assez d’images, d’effluves, de sensations pour pouvoir partir les jours où, par ici, un ciel couleur ardoise interdit toute perspectiv­e de sortie ».

L’ESPOIR D’UNE LIBERTÉ RETROUVÉE

Jean-dominique Bauby n’a jamais vu la sortie réelle du « scaphandre » d’isolement absolu dans lequel cette saloperie de syndrome d’enfermemen­t l’avait emmuré. Seule la mort l’en sortira pour de bon.

Il le quittera, enfin, pour des ailes de papillon. Elles le feront voler, la paix au coeur, jusqu’au soleil. Cette pandémie, c’est un peu la même métaphore.

C’est vivre dans notre scaphandre de confinemen­t. Comme individus et comme sociétés. C’est le faire dans l’espoir d’une liberté, quelle qu’elle soit, un jour retrouvée.

D’ici là, ne relâchons surtout pas. Le papillon en nous, bien vivant celui-là, n’est plus loin. On entend presque le battement de ses ailes. Ce serait dommage qu’il nous échappe par manque de vigilance, pour soi et les autres.

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