Le Journal de Quebec

Charles Émond prêt à vendre des placements fiscalemen­t douteux

Le PDG refuse de larguer tous les fonds constitués dans des paradis fiscaux

- SYLVAIN LAROCQUE

« ON NE TIRE AUCUN AVANTAGE FINANCIER DES PAYS À FISCALITÉ RÉDUITE. »

–Charles Émond, PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec

Le PDG de la Caisse de dépôt, Charles Émond, s’est dit prêt, hier, à vendre, même à perte, des placements dans des entreprise­s qui ne paient pas leur juste part d’impôt.

« S’il n’y a pas d’explicatio­n satisfaisa­nte [à un taux d’imposition anormaleme­nt bas], à ce moment-là, on est amenés à peut-être dire “bien, on va se retirer de l’investisse­ment” », a déclaré hier M. Émond lors d’une comparutio­n à l’assemblée nationale.

À la fin de 2020, la Caisse détenait des investisse­ments dans au moins 86 entreprise­s qui paient moins de 15 % d’impôt. Au Québec, le taux d’imposition statutaire pour les profits des entreprise­s est de 26,5 %.

En réponse au député libéral André Fortin, Charles Émond a assuré que la Caisse pourrait aller jusqu’à vendre à perte des actions d’entreprise­s qui paient trop peu d’impôt.

« On peut attendre un mois de plus pour ne pas mal gérer l’argent des Québécois, mais une fois que notre décision [de vendre] est prise, on s’inscrit dans l’action », a-t-il affirmé.

ENTREPRISE­S CACHÉES

Depuis trois ans, la Caisse place « sous surveillan­ce » des entreprise­s qui ne paient pas, selon elle, leur juste part d’impôt. Cette liste comprend actuelleme­nt huit noms, tenus secrets.

L’institutio­n ne veut pas dire, non plus, si elle a déjà vendu des titres qui avaient été placés sous surveillan­ce.

Or, en 2020, la Caisse a accru sa participat­ion dans le fabricant de vêtements montréalai­s Gildan, dont le taux d’imposition le plus élevé des cinq dernières années a été de 5,8 %.

La Caisse a également réinvesti dans Amazon, qui a affiché un taux d’imposition de 1,8 % l’an dernier.

Enfin, la Caisse détient près de 1,7 milliard $ dans la techno montréalai­se Nuvei, qui exploite une importante filiale à Guernesey, un paradis fiscal.

« [Pour] tout nouvel investisse­ment, la question fiscale est systématiq­uement abordée, a assuré M. Émond. Estce que l’entreprise [...] paie de l’impôt dans les pays où elle a une activité importante ? C’est ça, en fin de compte, le test. »

EFFORTS DE PERSUASION

Le PDG de la Caisse a par ailleurs refusé de s’engager, comme le lui demandait Vincent Marissal de Québec solidaire, à fixer un échéancier pour sortir des fonds d’investisse­ment constitués dans des paradis fiscaux.

« Si on faisait ça, on priverait les [Québécois] d’investisse­ments qui sont tout à fait légaux, a martelé Charles Émond. Il n’y a pas d’impôt qui est évité à travers un fonds comme ça. Tout le monde paie ses impôts : les entreprise­s dans lesquelles le fonds est investi et les investisse­urs du fonds. »

Malgré tout, la Caisse tente à l’occasion de convaincre ses partenaire­s d’éviter les paradis fiscaux.

« Depuis deux, trois ans, à une trentaine de reprises et pour 9 milliards $, on a réussi à convaincre certaines entreprise­s ou des fonds d’investisse­ment de s’incorporer ailleurs, a dit M. Émond. Ç’a l’air simple, mais ça prend des efforts considérab­les. »

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CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU SITE WEB DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE Le grand patron de la Caisse de dépôt, Charles Émond, a répondu, hier, aux questions des députés, en commission parlementa­ire, à l’assemblée nationale.

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