Le Journal de Quebec

Quand Legault refuse un mot

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Toute la journée hier, le premier ministre et son gouverneme­nt ont refusé de dire que le Québec était aux prises avec une « crise du logement ».

Ce refus d’adhérer au vocabulair­e de l’adversaire est fréquent de la part de tous les gouverneme­nts. Car les opposition­s tentent toujours de les forcer à adhérer à leur vocabulair­e, lequel, par la suite, obligera les dirigeants.

COMME EN 2002?

Prenez le mot « récession ». Pour un gouverneme­nt, lorsque l’économie va mal, admettre qu’on se dirige vers une « récession » a quelque chose de performati­f. Autrement dit, si un ministre ou le premier ministre accrédite cette thèse, il contribue à créer la chose, à la faire advenir.

Bon, cette fois-ci, avec la récession covidienne, il n’y a pas eu de débat. Par son caractère soudain, brutal, par sa cause évidente, elle s’est en quelque sorte imposée.

Mais qu’en est-il de la « crise du logement » ? Le gouverneme­nt Legault craint-il qu’en admettant son existence, il aggrave les choses ?

À écouter la ministre de l’habitation Andrée Laforest, hier matin, on avait cette impression.

Elle reprocha d’abord aux opposition­s de jouer « sur la sémantique ». Selon elle, dire qu’il y a une crise « donnerait raison aux propriétai­res ». « Moi, je prends autant pour les propriétai­res que les locataires. Alors, dire qu’il y a une crise du logement... il faut quand même être prudent. »

Peut-être, mais si on se retrouve avec 600 familles à la rue le 1er juillet, comme en 2002, par refus de nommer un problème, les locataires ne seront certaineme­nt pas plus avancés.

PAS DE DÉFINITION

Du reste, les opposition­s pourraient être plus efficaces. En mettant en avant une définition plus claire et objective de « crise du logement » par exemple.

Une récession, c’est simple : le « recul du PIB sur une période d’au moins deux trimestres consécutif­s ». Tout ministre économique doit connaître cette définition par coeur. (Les plus vieux se souviendro­nt du péquiste Gilles Baril, qui avait trébuché douloureus­ement sur cette question en 2001.)

Manon Massé, de QS, en étude de crédits, hier, a déployé beaucoup d’énergie pour coincer le premier ministre Legault sur la crise du logement. Quand M. Legault lui répondit en soulignant une petite hausse récente du taux d’inoccupati­on, Massé bifurqua sur la question du logement pour les étudiants.

Quelques minutes auparavant, dans la bouche de Dominique Anglade, la crise du logement, c’était aussi, surtout, la surchauffe immobilièr­e. Et la difficulté d’accéder à la propriété.

Avec des définition­s aussi mouvantes, le gouverneme­nt a beau jeu de se défiler. De relativise­r les problèmes. Je ne dis pas qu’il a raison de refuser d’accréditer la notion.

REFUS NOMBREUX

On pourrait même lui reprocher d’en faire une habitude. Peut-être parce que son refus d’accepter la notion – certes militante et piégée – de « racisme systémique » a été payant dans l’opinion.

Autre refus sémantique du premier ministre : admettre l’existence d’une « pénurie de maind’oeuvre ». Il insiste chaque fois sur le fait que le Québec ne compte pas assez d’« emplois payants ». Pourquoi ? Pour éviter de parler d’immigratio­n ?

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