La pression sous les projecteurs
Un documentaire se penche sur les patineurs artistiques
S’habiller en noir. Rentrer son ventre. Serrer ses fesses. Compter les calories ingérées. Chez les patineuses et patineurs d’élite, obsession du corps idéal, troubles alimentaires et autres démons éclipsent parfois le plaisir des vrilles et des pirouettes.
Pression, le nouveau documentaire du Bureau d’enquête à aboutir sur Club illico à compter d’aujourd’hui, porte bien son nom. Parce que derrière les triples axels et les jolis costumes à paillettes des idoles du patinage artistique, s’en cache justement beaucoup, de la pression.
Pour rester mince. Pour continuer à performer après une blessure. Pression financière, également, parce que la pratique du sport s’avère tellement coûteuse que l’échec ne se révèle absolument pas une issue envisageable.
La journaliste Marie-christine Noël a ellemême fait du patinage artistique jusqu’à l’adolescence, jusqu’à atteindre le niveau intermédiaire. Et déjà, à l’époque, elle sentait le poids des attentes, des exigences démesurées, la culture du silence et même parfois le dégoût du sport.
NORMALISER LA SOUFFRANCE
Marie-christine Noël a donc eu envie d’exposer le revers de la médaille d’un milieu où on normalise la souffrance, où celle-ci devient synonyme de réussite.
Dans le grand reportage réalisé par Ninon Pednault, les athlètes Joannie Rochette, Cynthia Phaneuf, Jessica Dubé, Shawn Sawyer, Charlie Bilodeau et Julianne Séguin, ainsi que Camille Ruest, qui fait actuellement partie de l’équipe canadienne de patinage artistique, témoignent de leur expérience et des standards inatteignables qu’eux-mêmes, ou des collègues, ont dû s’imposer en espérant briller toujours davantage dans leur discipline.
« Ils ont eu envie de parler pour changer ces mentalités-là », note Ninon Pednault.
Fait intéressant, Patinage Québec et Patinage Canada ont refusé – par courriel – d’intervenir dans le film.
« J’aurais aimé leur poser des questions sur les témoignages qu’on a eus, précise Marie-christine Noël, mais on n’a pas pu le faire. Dès le début de l’enquête, on se faisait dire que ça serait difficile de leur parler. »
L’HUMAIN AVANT TOUT
Pourquoi le monde du sport, dont celui du patinage artistique, est-il si dur, et place-t-il la barre si haut pour ses vedettes ?
« Faire du sport entraîne énormément de sacrifices, avance Marie-christine Noël. On rate des sorties d’école, on doit s’entraîner beaucoup. Avec ces sacrifices, la seule chose à laquelle on pense, c’est d’être numéro un, d’avoir la médaille et de monter sur le podium. Si, en plus, ces sacrifices nous ont amenés à être malade ou blessé, c’est sûr que le but devient d’avoir une médaille, parce qu’on se dit qu’on ne veut pas avoir fait ça pour être 5e, 6e ou 9e. Est-ce que c’est une bonne mentalité ? C’est questionnable. Même finir sixième aux Olympiques, ça reste pourtant exceptionnel, mais quand on a reçu l’idée qu’il fallait absolument finir dans le top 3, c’est difficile à défaire. Et c’est, paradoxalement, une grande motivation aussi… »
Le documentaire Pression sera en ligne sur Club illico dès aujourd’hui.