LA GLACE ENFIN BRISÉE
Abus psychologiques en patinage artistique
Le patinage artistique. Quel sport gracieux, élégant ! Tant de sourires et de légèreté sur la glace. La réalité est beaucoup, beaucoup plus sombre.
Notre Bureau d’enquête lève aujourd’hui le voile sur le triste revers de la médaille vécu par plusieurs athlètes québécois bien connus qui se sont rendus jusqu’aux Jeux olympiques.
Dans le documentaire Pression, disponible pour les abonnés de Club illico, la journaliste Marie-christine Noël et la réalisatrice Ninon Pednault ont recueilli les confessions de sept patineuses et patineurs d’élite sur des sujets délicats comme les troubles alimentaires et les abus psychologiques.
Vous pourrez également lire plusieurs témoignages aujourd’hui, en pages 115 à 119, ainsi que dans notre édition de demain.
J’AI ÉTÉ BOULEVERSÉ
Au début du projet, il y a plusieurs mois, je me doutais bien que la pression de la compétition, jumelée à des entraîneurs et des parents parfois trop enthousiastes, pouvait avoir des conséquences négatives sur de jeunes athlètes.
Mais je me disais qu’au fond, ça doit être la même chose dans tous les sports d’élite, peu importe qu’on enfile une robe et des patins, ou bien une combinaison de ski, ou un casque de football et des épaulettes.
Les témoignages recueillis par notre équipe m’ont ouvert les yeux et m’ont tout simplement bouleversé.
Comment ne pas être troublé par les confessions de l’ex-patineuse Jessica Dubé, qui parle pour la première fois publiquement des graves troubles alimentaires qu’elle a développés durant sa carrière ? Adolescente, elle se faisait vomir avant les compétitions, de peur de paraître trop grosse.
Que penser de Julianne Séguin ? La pression pour retourner sur la glace après les commotions cérébrales qu’elle subissait l’a laissée avec de lourdes séquelles. Trois ans après avoir arrêté la compétition, et âgée d’à peine 24 ans, elle devrait avoir la vie devant elle. Mais elle a tant d’étourdissements et de difficultés de concentration qu’elle dépend de ses parents pour des tâches quotidiennes simples comme préparer à manger. Souhaitons que ses troubles de santé se résorbent.
COMPTES À RENDRE
L’intérêt public de la démarche de notre Bureau d’enquête, c’est d’abord et avant tout la santé des (très) jeunes athlètes. Que diriez-vous si votre jeune fille, à peine adolescente, se faisait peser avant chaque compétition ?
Patinage Canada, la seule fédération sportive qui encadre le patinage d’élite au pays, a aussi des comptes à rendre. Cet organisme financé par des fonds publics nous a assuré que des nouvelles directives avaient été mises en place et que peser les jeunes filles, en 2021, ça ne se fait plus.
Qui s’assure que les directives sont suivies ? Patinage Canada a refusé de nous accorder une entrevue, malgré plusieurs demandes de notre part. Certaines des questions de mes collègues ont obtenu des réponses écrites, d’autres n’ont tout simplement eu aucun suivi.
Je salue le courage qu’ont eu ces athlètes de nous livrer leurs secrets cachés pendant tant d’années.
Depuis les Jeux olympiques de Vancouver en 2010, j’ai pris goût à regarder les compétitions de patinage artistique et de danse sur glace. Je le ferai encore à l’occasion des Jeux de Pékin en 2022. Mais cette fois, j’aurai certainement en tête l’envers de la médaille.