Le Journal de Quebec

Le courrier de #mononc101

- ANTOINE ROBITAILLE e Blogueur au Journal antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Depuis quelques années, je me suis baptisé #mononc101.

Parce que j’aime faire l’idiot. « Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. » Bref, quand quelqu’un parle – je m’inclus ici –, peu importe ce qu’il dit, j’aime « regarder » la langue.

101 ? Parce que je suis inquiet pour l’avenir du français au Québec.

Mononc’, c’est l’autodérisi­on. D’abord, je suis membre de la FADOQ (50 ans) depuis presque trois ans.

Et surtout, je suis très conscient que ces deux préoccupat­ions, qualité de la langue et avenir du français, ont longtemps été considérée­s comme démodées. Je m’accroche à la phrase d’ernest Renan : « Le moyen d’avoir raison dans l’avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé ».

PAS SEUL

Heureuseme­nt, après une chronique récente où je citais Bourgault – qui s’était dit « intraitabl­e » « avec ceux qui font métier de parler et d’écrire » –, j’ai compris que je n’étais pas seul !

Il y en a même des plus tatillons que moi ! Claude condamne dans son courriel la vogue du verbe « rajouter », qui aurait remplacé « ajouter ». Je n’avais pas remarqué !

Notre langue est, selon lui, « gangrenée » : « Notre statut de minoritair­es en Amérique du Nord nous obligera toujours à veiller au grain pour éviter l’assimilati­on ».

Cela me rappelle l’ancien chef libéral Georges-émile Lapalme, qui confiait ceci dans « Pour une politique » : « Au moment où j’écris ces lignes, j’ai continuell­ement à me débattre avec un bataillon d’anglicisme­s et de fautes syntaxique­s qui viennent avec acharnemen­t s’aligner dans le texte ».

« IMPACTER »

Il n’est plus tellement de mise, aujourd’hui, de s’angoisser ainsi à propos des « bataillons » qui nous assaillent. On les accueille même trop généreusem­ent.

Prenons l’horrible verbe « impacter », qu’une lectrice, Marie, abhorre. On l’entend de plus en plus. Les Français l’ont, semble-til, adoubé. Le 20 avril, en chambre, la libérale Isabelle Melançon parle des femmes, « davantage impactées » actuelleme­nt. La ministre Sonia Lebel lui répond : « On peut argumenter à savoir qui est plus impacté que qui dans cette pandémie. Beaucoup de groupes ont été impactés : les jeunes, les femmes, les entreprise­s ».

Rien de très doux pour les oreilles de #mononc101.

« ADRESSER » ET « EN ACTION »

Autre mot d’usage trop courant qui provoque beaucoup de douleur : « adresser », utilisé à l’anglaise.

La péquiste Méganne Perry Mélançon, en chambre, le 14 avril : « C’est dans le cadre d’une loi qu’il faut adresser cet enjeu-là ».

La réponse de la nouvelle ministre déléguée à l’économie, Lucie Lecours, m’a d’abord ravi : « On a agi, oui, on a agi ». « Agir » est un beau verbe que l’on doit redécouvri­r. Car un bataillon tente de l’occire ! Le ministre Jonatan Julien, cette semaine : « On est en action et on réitère les actions que notre gouverneme­nt prend, justement, pour faire face à cette situation-là ». Combattons, s’il vous plaît, « en action », « prendre action » !

Voilà pourquoi le « On a agi » de la ministre Lecours m’avait rempli de joie. J’ai déchanté lorsqu’elle ajouta : « On a consenti 40 millions $ sur deux ans pour adresser ces enjeux ». Aïe !

Quant à vous, compatriot­es mononcs et matantes 101, n’hésitez surtout pas à m’adresser courriels ou autres types de missives pour me soumettre vos trouvaille­s.

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Le 20 avril, en chambre, la libérale Isabelle Melançon parle des femmes, « davantage impactées » actuelleme­nt.
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