Le courrier de #mononc101
Depuis quelques années, je me suis baptisé #mononc101.
Parce que j’aime faire l’idiot. « Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. » Bref, quand quelqu’un parle – je m’inclus ici –, peu importe ce qu’il dit, j’aime « regarder » la langue.
101 ? Parce que je suis inquiet pour l’avenir du français au Québec.
Mononc’, c’est l’autodérision. D’abord, je suis membre de la FADOQ (50 ans) depuis presque trois ans.
Et surtout, je suis très conscient que ces deux préoccupations, qualité de la langue et avenir du français, ont longtemps été considérées comme démodées. Je m’accroche à la phrase d’ernest Renan : « Le moyen d’avoir raison dans l’avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé ».
PAS SEUL
Heureusement, après une chronique récente où je citais Bourgault – qui s’était dit « intraitable » « avec ceux qui font métier de parler et d’écrire » –, j’ai compris que je n’étais pas seul !
Il y en a même des plus tatillons que moi ! Claude condamne dans son courriel la vogue du verbe « rajouter », qui aurait remplacé « ajouter ». Je n’avais pas remarqué !
Notre langue est, selon lui, « gangrenée » : « Notre statut de minoritaires en Amérique du Nord nous obligera toujours à veiller au grain pour éviter l’assimilation ».
Cela me rappelle l’ancien chef libéral Georges-émile Lapalme, qui confiait ceci dans « Pour une politique » : « Au moment où j’écris ces lignes, j’ai continuellement à me débattre avec un bataillon d’anglicismes et de fautes syntaxiques qui viennent avec acharnement s’aligner dans le texte ».
« IMPACTER »
Il n’est plus tellement de mise, aujourd’hui, de s’angoisser ainsi à propos des « bataillons » qui nous assaillent. On les accueille même trop généreusement.
Prenons l’horrible verbe « impacter », qu’une lectrice, Marie, abhorre. On l’entend de plus en plus. Les Français l’ont, semble-til, adoubé. Le 20 avril, en chambre, la libérale Isabelle Melançon parle des femmes, « davantage impactées » actuellement. La ministre Sonia Lebel lui répond : « On peut argumenter à savoir qui est plus impacté que qui dans cette pandémie. Beaucoup de groupes ont été impactés : les jeunes, les femmes, les entreprises ».
Rien de très doux pour les oreilles de #mononc101.
« ADRESSER » ET « EN ACTION »
Autre mot d’usage trop courant qui provoque beaucoup de douleur : « adresser », utilisé à l’anglaise.
La péquiste Méganne Perry Mélançon, en chambre, le 14 avril : « C’est dans le cadre d’une loi qu’il faut adresser cet enjeu-là ».
La réponse de la nouvelle ministre déléguée à l’économie, Lucie Lecours, m’a d’abord ravi : « On a agi, oui, on a agi ». « Agir » est un beau verbe que l’on doit redécouvrir. Car un bataillon tente de l’occire ! Le ministre Jonatan Julien, cette semaine : « On est en action et on réitère les actions que notre gouvernement prend, justement, pour faire face à cette situation-là ». Combattons, s’il vous plaît, « en action », « prendre action » !
Voilà pourquoi le « On a agi » de la ministre Lecours m’avait rempli de joie. J’ai déchanté lorsqu’elle ajouta : « On a consenti 40 millions $ sur deux ans pour adresser ces enjeux ». Aïe !
Quant à vous, compatriotes mononcs et matantes 101, n’hésitez surtout pas à m’adresser courriels ou autres types de missives pour me soumettre vos trouvailles.