Des survivants marqués à vie
Ils soulignent les 50 ans du plus grave glissement de terrain à être survenu en Amérique du Nord
SAGUENAY | Même 50 ans après la tragédie de Saint-jean-vianney, les survivants demeurent marqués par ce mardi de mai 1971 où des parents, des enfants, des amis ont été emportés dans une coulée de boue qui a décimé des familles entières.
Chaque année, le 4 mai ramène à la surface des souvenirs gravés dans la mémoire de Rolande Lavoie, Denys Claveau, Chantale Arseneault et Gilles Gaudreault.
Le Journal est allé à leur rencontre, sur les lieux du village qui a aujourd’hui disparu. La végétation a repris le dessus. Il ne reste que quelques vestiges qui prouvent qu’il a déjà existé.
Chantale Arsenault avait huit ans. Ses souvenirs lui reviennent « par flashs ». « Maman, ma soeur et moi, on dormait. Le téléphone a sonné et on nous disait de quitter la maison. Il fallait tout évacuer. On est sorties dans la rue. J’ai pris ma mère par la main. J’avais peur que la terre s’ouvre. »
Ce qu’elle ignorait, c’est que, plus loin, sa soeur aînée Diane était emportée par le torrent meurtrier avec son mari Gilles et leur bébé d’un an et demi, Annie. Diane était enceinte de cinq mois.
« LES MAISONS TOMBENT ! »
Gilles Gaudreault avait invité des amis à regarder le hockey chez lui. Le Canadien était en finale de la Coupe Stanley. Il sait que le match lui a probablement sauvé la vie, comme plusieurs de ses voisins qui avaient décidé de veiller plus tard, un soir de semaine. Les coups ont résonné à la porte. C’était la panique, il fallait sortir. « On ne voyait rien. Il y avait une buée épouvantable. On ne savait même pas par où aller. Le monde criait : “Les maisons tombent !” »
« Nous nous sommes promis de ne jamais oublier d’où nous venions et des temps heureux qui ont bercé nos jeunes années », écrit Rolande Lavoie dans un magazine qu’elle a préparé pour le cinquantenaire. La dame a consacré une grande partie de sa vie à préserver la mémoire de Saint-jean-vianney.
Pour elle, fille du maire de l’époque, Lauréat Lavoie, la tragédie a été doublement pénible. « Mon père a été tenu responsable. Ça a été difficile pour nous. Il a porté ça toute sa vie. Il n’a plus été le même par la suite. » Des citoyens avaient reproché au maire de ne pas avoir été alerté par un petit glissement survenu quelques jours plus tôt.
Malgré les souvenirs douloureux, et la perte d’êtres chers, Mme Lavoie revient sur les lieux chaque année avec ses petits-enfants, pour que Saint-jean-vianney ne tombe pas dans l’oubli.
CITOYENS DÉPLACÉS
Maintenant, « c’est un no man’s land », illustre Denys Claveau. Après la décision du gouvernement de fermer le village, 1700 personnes ont été déplacées, avec leurs maisons. On a retiré les fondations. Il ne reste que les marches du perron de l’église, des routes crevassées et l’îlot d’une station-service.
Chantale Arseneault essaie de « mettre de la douceur » sur ses souvenirs. L’été, le chant d’un oiseau ou l’odeur des petites fraises la ramènent à son enfance. Quand nous passons devant le terrain où s’érigeait sa maison, elle sourit. « On était bien, ici. »