Le Journal de Quebec

LES CONTRIBUAB­LES TENUS DANS L’IGNORANCE

Bell se cachait dans les puits… et le ministre Pierre Fitzgibbon le savait

- ALEXANDRE ROBILLARD, LOUIS BUTCHER ET MARC-ANDRÉ GAGNON

Le ministre de l’économie Pierre Fitzgibbon était au courant du projet d’acquisitio­n du promoteur du Grand Prix de Formule 1 du Canada par le géant Bell quand il a annoncé, mercredi, la prolongati­on d’une aide financière à l’événement jusqu’en 2031.

Son cabinet a confirmé qu’il avait été informé « il y a quelques semaines » des discussion­s qui ont mené à la transactio­n entre Groupe de course Octane et l’ entreprise de télé communicat­ions, annoncée officielle­ment hier.

« M. Fitzgibbon était au courant qu’il y avait des discussion­s entre les deux entreprise­s », a déclaré son attaché de presse Mathieu St-amand.

La ministre québécoise du Tourisme, Caroline Proulx, était aussi au courant des pourparler­s( voir la chronique de ré jean Tremblay en page 111).

Selon M. St-amand, l’annonce de cette transactio­n n’aura aucun effet sur les conditions de l’entente annoncée cette semaine à laquelle prennent part, en plus du gouverneme­nt du Québec, le fédéral, la Ville de Montréal et Tourisme Montréal.

Du côté d’ottawa, il n’a pas été possible de savoir jusqu’où les représenta­nts fédéraux étaient au courant des discussion­s.

Le cabinet de la ministre du Développem­ent économique Mélanie Joly a expliqué qu’octane n’est pas un client de l’agence fédérale Développem­ent économique pour les régions du Québec.

« Nous, au gouverneme­nt fédéral, on fait affaire avec la Société du parc Jean Drapeau pour cet événement », nous a-t-on indiqué, en précisant que la transactio­n annoncée par Bell ne devrait pas avoir d’incidence sur les engagement­s d’ottawa.

TRANSPAREN­CE

Au provincial, le député de Québec solidaire Vincent Marissal, porte-parole des dossiers économique­s, a soutenu que M. Fitzgibbon aurait dû être plus transparen­t.

« Si le ministre Fitzgibbon savait que Bell allait mettre la main sur Octane, pourquoi ne pas l’avoir dit quand il a annoncé sa subvention ? Bell n’a vraiment pas besoin de la charité du gouverneme­nt du Québec, surtout pour un événement privé et parfaiteme­nt rentable. »

Selon M. Marissal, M. Fitzgibbon a admis cette semaine que le Grand Prix de F1 n’aurait pas quitté Montréal si le gouverneme­nt n’avait pas mis d’argent.

Bell a confirmé hier son associatio­n à la course de F1 à Montréal. L’entreprise a acheté les activités de Groupe de course Octane, dirigée par François Dumontier, promoteur de l’événement depuis 2010.

Bell, dont la valeur en bourse est de 52 milliards $, devient à son tour promoteur du Grand Prix de F1, une nouvelle qui survient deux jours à peine après que les divers paliers de gouverneme­nts ont annoncé l’annulation de l’épreuve pour une deuxième année de suite en raison de la pandémie.

Le montant de l’investisse­ment de Bell n’a pas été divulgué.

DES MILLIONS EN FONDS PUBLICS

Plus tôt cette semaine, les gouverneme­nts fédéral et provincial, la Ville de Montréal ainsi que Tourisme Montréal, décrits comme les quatre bailleurs de fonds, avaient annoncé conjointem­ent que deux années supplément­aires avaient été ajoutées au contrat actuel liant le Grand Prix du Canada à la F1, jusqu’en 2031.

Les contribuab­les devront payer en moyenne près de 20 M$ par année de 2022 à 2029. Les deux années de prolongati­on vont coûter encore plus cher, soit 25 M$ (2030) et 26 M$ (2031) de fonds publics qui seront versés à la F1.

En 2019, lors de la dernière visite du cirque de la Formule 1, le Grand Prix du Canada inaugurait de nouvelles installati­ons sur l’île Notre-dame, dont le prix des travaux a été revu à la hausse en cours de route, passant de 32 M$ à 72 M$.

L’arrivée de Bell dans le dossier de la F1 à Montréal est une bonne nouvelle, non seulement pour Dumontier qui conservera son poste à la tête des opérations du Grand Prix, mais aussi pour des détenteurs de billets qui, depuis plusieurs mois d’attente, tardent toujours à se faire rembourser.

« Être seul peut peser lourd sur les épaules, a indiqué Dumontier hier, sur les ondes de RDS, cette autre propriété de Bell qui, avec TSN, détient les droits de télédiffus­ion de la F1 au pays jusqu’en 2024. Pour le développem­ent du Grand Prix, je me cherchais un partenaire. »

Dumontier n’a pas nié que les discussion­s avec Bell ont débuté avant même le début de la pandémie en mars 2020.

OCTANE SAUVÉ DU NAUFRAGE ?

L’arrivée du géant des télécommun­ications vient probableme­nt de sauver Groupe de course Octane du naufrage. Elle assure également à bon nombre d’amateurs, qui ont manifesté leur frustratio­n sur les réseaux sociaux et dans divers médias, de récupérer enfin leur argent.

« Bell s’assurera, lit-on dans le communiqué, que les billets vendus pour la course de 2020 seront valides pour l’édition 2022 ou bien les détenteurs de billets seront remboursés s’ils préfèrent cette option. »

Par l’entremise de sa filiale

Bell, le géant canadien des télécoms, BCE, vient de mettre le grappin sur le promoteur montréalai­s du Grand Prix de Formule 1 du Canada, à savoir le Groupe de course Octane, de François Dumontier.

C’est un coup magistral de la part de BCE et voici pourquoi.

Le Grand Prix du Canada est l’événement sportif et touristiqu­e annuel le plus important au pays.

BCE peut compter sur la pérennité du Grand Prix jusqu’en 2031, et ce, grâce à l’annonce mercredi passé de l’entente financière renouvelée pour deux années additionne­lles entre nos gouverneme­nts (Ottawa, Québec) et la Formula One Group Championsh­ip de la multinatio­nale américaine Liberty Media. BCE devient le principal bénéficiai­re d’un événement internatio­nal dont les droits de présentati­on au Canada (allant de 18 à 26 millions $ l’an) sont entièremen­t financés par les trois paliers de gouverneme­nt : Ottawa, Québec et Montréal.

BCE profite également du fait que les gouverneme­nts de Justin Trudeau et de François Legault ont également annoncé cette semaine qu’ils allaient investir 5,5 millions de dollars dans la promotion de Montréal et du Québec auprès des amateurs de Formule 1 dans le but de ramener les touristes dans la métropole.

En tant que nouveau propriétai­re de Groupe de course Octane, c’est BCE qui va largement bénéficier de cette campagne de promotion puisqu’une grande portion des recettes au guichet du Grand Prix du Canada vont aller dans ses poches. C’est financière­ment d’autant prometteur pour BCE qu’il se retrouve avec un circuit Gilles-villeneuve complèteme­nt revampé avec des no uveaux paddocks dont t la facture (68 millions $) a été payée par Montréal et Québec. Détenant déjà depuis longtemps les droits de diffusion des courses de F1 pour se es réseaux de sports, RDS et TSN, BCE pourra consolider davantage sa force de frappe sportive en devenant l’organisate­ur en chef du Grand Prix du Canada.

DUMONTIER SAUVE LES MEUBLES

Bien qu’il cède son entreprise (Groupe de course Octane) à BCE, le promoteur François Dumontier conserve « heureuseme­nt » son emploi à titre d’organisate­ur en chef des prochains Grands Prix du Canada sur le circuit Gilles-villeneuve.

Avec l’annulation des éditions de 2020 et 2021 du Grand Prix à cause de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19, Dumontier vient de traverser deux années extrêmemen­t difficiles sur le plan financier. Il faut savoir que le gros de ses revenus à titre d’organisate­ur du Grand Prix provient des recettes au guichet.

Pas de Grand Prix, pas de revenus. La misère noire… ou presque. C’est ce qui explique sans doute pourquoi des amateurs attendaien­t toujours de se faire rembourser les billets achetés pour l’édition de 2020.

BCE EN CHIFFRES

Pas de doute que BCE a les moyens de ses ambitions en mettant la main sur le Grand Prix de Formule 1 montréalai­s.

En 2020, année où la grande pandémie a éclaté, BCE a réalisé un chiffre d’affaires de 22,8 milliards $. Bénéfice net : 2,5 milliards de dollars.

Sa capitalisa­tion boursière s’élève actuelleme­nt à 52,6 milliards $.

BCE est lle chef de file au Canada ans less télécommun­ications, tantt propriétai­re de trois rossses filiales : Bell Canaa (services sur fil), Bell Mobilité (services sans ) et Bell Média.

Bell B Média chapeaute stations de télé génél listes (dont CTV et Noo), 27 chaînes spécialisé­es ontt les chaînes sportives RDDS et TSN), 4 stations paayantes (Crave, HBO Canada),c 109 stations de radio, 200 sites web, etc.

OMBRE AU TABLEAU

Comme on peut le constater, l’acquisitio­n de Groupe de course Octane ne représente qu’une « pinotte » dans le groupe BCE.

Mais une « pinotte » qui va lui permettre d’obtenir un extraordin­aire rayonnemen­t médiatique grâce au Grand Prix de Formule 1 du Canada qu’on lui offre sur un véritable plateau d’argent alors que ce sont Québec, Ottawa et Montréal qui absorbent les coûts.

Question : lors de l’annonce, mercredi dernier, de la prolongati­on de l’entente de prolongati­on du Grand Prix jusqu’en 2031, pourquoi le ministre responsabl­e du dossier au gouverneme­nt Legault, Pierre Fitzgibbon, n’a-t-il pas révélé qu’il était au courant des négociatio­ns d’achat de Groupe de course Octane par BCE?

Avait-il peur de se faire accuser de favoritism­e envers BCE qui allait mettre la main sur le plus gros événement touristiqu­e et sportif à se tenir au Canada annuelleme­nt, tout en étant entièremen­t financé par l’argent des contribuab­les ?

BCE devient le principal bénéficiai­re d’un événement internatio­nal dont les droits de présentati­on au Canada sont entièremen­t financés par les [...] gouverneme­nts

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PHOTO D’ARCHIVES La dernière fois que les bolides de Formule 1 ont roulé à Montréal, c’était en juin 2019.
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François Dumontier
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