Le Journal de Quebec

Un énorme cadeau pour Bell

- RÉJEAN TREMBLAY rejean.tremblay@quebecorme­dia.com

Pour les fans de Formule 1 et pour les Québécois amateurs de courses, c’est plutôt une bonne nouvelle. Le Grand Prix s’est trouvé un très riche propriétai­re en Bell Canada et va rester et, on l’espère, prospérer à Montréal pour les dix prochaines années.

Dans la réalité du Québec moderne, c’est un recul. On retourne trente ans en arrière à l’époque où le Grand Prix était la propriété de Labatt, de Molson ou carrément de Bernie Ecclestone.

Cette fois, le Grand Prix est la propriété d’une multinatio­nale de 52 milliards avec un organisate­ur québécois en François Dumontier.

Autrement dit, avec RDS, Noovo, sa participat­ion via le Groupe CH et evenko dans le Canadien, le Festival Juste pour rire et j’en oublie, et maintenant le Grand Prix du Canada, l’omniprésen­ce de Bell dans tout le secteur divertisse­ment devient écrasante.

Par ailleurs, je ne me scandalise pas de ces 51 millions $ ajoutés au contrat de François Dumontier qui vont maintenant servir la cause d’une firme milliardai­re.

C’est le même argent, c’est le même contrat liant les gouverneme­nts à Formula One management, et les retombées économique­s qui étaient bonnes hier risquent d’être meilleures avec les dépenses supplément­aires que devrait engager Bell pour faire rayonner son investisse­ment.

Mais sur le plan moral, on peut en discuter longtemps.

EN DIRECT DE BAHREÏN

Toute cette aventure économique a débuté le 26 mars dernier. Un vendredi.

« Déjà, régler le premier meeting zoom avec Stefano Domenicali [président de Formula One management] a été compliqué à cause du décalage horaire avec le Bahreïn. Je voulais lui parler parce que François Dumontier m’avait fait part de son inquiétude si on sautait la présentati­on du Grand Prix pour une deuxième année de suite. J’ai discuté environ 45 minutes avec Domenicali qui sans faire d’ultimatum m’a quand même indiqué que de nombreux pays dans le monde lorgnaient un événement comme le GP du Canada », raconte la ministre du Tourisme et responsabl­e du dossier, Caroline Proulx.

« J’ai fait part au cabinet du premier ministre de mon inquiétude que je ne pouvais quantifier. Mais il y avait de l’inquiétude et je n’avais pas envie d’être la ministre du Tourisme qui annoncerai­t la perte du Grand Prix du Canada », reprend la ministre.

Mme Proulx s’est vite retrouvée dans un triangle opérationn­el avec le ministre de l’économie Pierre Fitzgibbon et le cabinet du PM. Six ou sept fois par jour, on se textait les résultats des efforts déployés.

Caroline Proulx gardait le contact avec le cabinet de la ministre fédérale Mélanie Joly et le bureau de la mairesse Valérie Plante.

« Le décalage horaire nous compliquai­t la vie. Si on faisait une propositio­n à sept heures le soir, il était déjà passé minuit en Europe ou encore plus tard ailleurs au Moyen-orient. On ne recevait une réponse que le lendemain quand nous, on se réveillait », raconte Mme Proulx.

FITZGIBBON AUX COMMANDES

C’est Pierre Fitzgibbon qui a pris la direction des négociatio­ns avec Domenicali. Chaque soir,lui et Caroline Proulx discutaien­t des négociatio­ns et on refilait les infos aux partenaire­s. Parfois, c’est Jonathan Guay, directeur de cabinet adjoint de Caroline Proulx, qui faisait le point avec ses homologues à Montréal. François Dumontier a prévenu les bailleurs de fonds du Grand Prix qu’il avait entamé des négociatio­ns avec Bell pendant le processus des négos « publiques ». « C’était très complexe. J’étais au courant des négociatio­ns pour le contrat liant les gouverneme­nts et la F1 en sachant que des négociatio­ns privées se déroulaien­t entre François Dumontier et Bell », confie Mme Proulx.

Le lecteur averti aura compris que Dumontier ne pouvait vendre Groupe de course Octane et la promotion du Grand Prix à un tiers sans l’approbatio­n de Domenicali. Tout était intrinsèqu­ement lié.

« Finalement, nous sommes satisfaits. Le Grand Prix est maintenant la propriété d’une très grande entreprise dont le siège social est à Montréal. Une compagnie québécoise. Nous savons que cette propriété est maintenant entre des mains qui vont la faire prospérer et qu’avec François Dumontier aux opérations, le public sera bien servi et que la collectivi­té touchera des retombées qu’on espère encore plus abondantes », résume Caroline Proulx.

DEUX TRANSACTIO­NS

Le ministre Pierre Fitzgibbon s’est limité mercredi à annoncer les grandes lignes de la transactio­n entre le fédéral, le provincial, le municipal et la Formule 1.

Techniquem­ent, il était dans son droit puisque l’autre contrat lie deux investisse­urs privés.

Cela dit, on peut penser que le rôle d’intermédia­ire joué par Michael Fortier au début du processus a sans doute attiré l’attention de Bell. Me Fortier a des entrées fort intéressan­tes chez Bell.

C’est une entente fabuleuse pour Bell. La compagnie va payer les dettes et les remboursem­ents de François Dumontier, elle garde l’ancien opérateur du GP, elle lui a sans doute versé entre 5 et 7 millions pour prendre le contrôle de l’événement et elle va pouvoir générer des heures et des heures de contenu dans ses chaînes de télévision et ses réseaux de radio.

L’habileté du message aura été de faire accepter que les gouverneme­nts ajoutent 51 millions au pactole versé à la Formule 1 en donnant l’impression d’aider un modeste entreprene­ur local qui se battait bec et ongles pour sauver son événement.

Aujourd’hui, on apprend que les 51 millions vont aider une entreprise de 52 milliards.

C’est bien pour dire…

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PHOTO D’ARCHIVES La ministre du Tourisme Caroline Proulx et le ministre de l’économie Pierre Fitzgibbon ont été très actifs dans les négociatio­ns.
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