« On était toutes dans un silence »
La Québécoise Cynthia Phaneuf témoigne d’avoir souffert d’anxiété, de blessures et du besoin de plaire
À son entrée chez les juniors, Cynthia Phaneuf était déjà une grande interprète sur la glace et on la voyait déjà parmi l’élite mondiale. Mais loin des projecteurs, l’anxiété, les blessures et le besoin de plaire ont laissé des marques profondes, tellement qu’elle ressent maintenant un mal-être lorsqu’elle entre dans un aréna.
Elle n’a que 12 ans lorsqu’elle commence à subir les contrecoups du stress qu’elle vit avant les compétitions. Elle se souvient des sueurs froides et des tremblements la nuit.
« Je ne dormais pas avant mes programmes. Ç’a été le commencement d’un cycle pour moi, se remémore-t-elle. On m’a donné des pilules pour dormir afin de réussir à me calmer. Mais le lendemain, j’étais comme du Jell-o ! »
Jeune, Cynthia aime être poussée par ses entraîneurs et est reconnue pour sa force de caractère.
Puis, vers 16 ans, la patineuse est en pleine puberté et en une saison, elle grandit de cinq pouces. Il lui est difficile d’effectuer des sauts qui étaient pourtant faciles l’année précédente.
Les médias se demandent si elle « n’est qu’un feu de paille ». Les journalistes lui parlent constamment de son corps qui a changé.
COMME LES ASIATIQUES...
Dans les vestiaires, l’obsession du corps parfait prend beaucoup de place.
« Tu veux le corps longiligne comme les Asiatiques, mais tu dois t’entraîner, alors tu prends de la masse, explique Cynthia. Tu te fais taper sur les doigts parce que tu prends du poids. Tu t’entraînes, t’as peur. […] On me parlait toujours de mon larger frame, alors je me suis bâti une armure qui m’a servi plus tard dans ma vie ».
L’image que son groupe de patineurs et elle projetaient était bien loin de la réalité.
« Tout ce que je mangeais devait être santé, sinon ça me faisait faire de l’anxiété. Je ne le disais pas. Je vivais avec ça tout le temps. […] Je mangeais, mais je poussais la limite dans mes entraînements. Y’avait tellement de filles autour de moi qui étaient malades. Je disais non aux plans des nutritionnistes parce que j’avais peur de peser 400 lb. »
À bout de souffle, elle se souvient avoir pleuré avec son amie, Jessica Dubé, certains vendredis soir.
« On était toutes dans un silence. On avait l’air de jeunes athlètes dans leur pic, mais si on nous avait filmées tous les jours, nous étions plutôt pathétiques », explique celle qui a pris sa retraite en 2012.
« PERSONNE N’A RIEN FAIT »
Cynthia n’a jamais eu de trouble alimentaire. Elle s’est doutée pendant quelques années que son amie Jessica souffrait de boulimie.
« Mais il fallait ne rien dire », dit-elle. Cynthia avait peur de blesser son amie ou de voir la carrière de celle-ci anéantie si elle révélait sa maladie.
« C’était triste parce que les gens lui disaient qu’elle était plus belle comme ça. Ça m’étonnerait que personne n’était au courant. Personne n’a rien fait », se désole la patineuse qui aurait aimé que son amie reçoive de l’aide à l’époque.
Cynthia aussi avait horreur de la pesée. Elle redoutait le moment où elle entendrait son nom pour monter sur la balance.
« Un nouveau coach a déjà dit en me pointant : “elle a un bon 10 lb à perdre”. J’avais dit à mon entraîneur que ça n’arriverait pas. Que c’était impossible de perdre ce poids. Et que je serais malade si j’essayais. J’en prenais et j’en laissais », explique-t-elle.
La maman affirme aujourd’hui que c’est sa force de caractère qui luui a permis de mieux « s’en sortir ».