Le Journal de Quebec

Se relever après le passage du bulldozer

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Depuis plus d’un an que les profession­nels de la physiothér­apie adaptent leurs soins au contexte de la COVID-19, le mois national de la physiothér­apie est l’occasion de mettre en lumière leur présence dans ce qui s’annonce être le prochain raz-de-marée post-pandémie. « Je me sentais sur un nuage, et, à la fin de la journée, j’étais complèteme­nt vidé de toute mon énergie, comme si un bulldozer m’avait passé dessus », décrit Marc-andré Michaud. Pourtant, durant son isolement de 2 semaines, le père de famille comparait les symptômes de son infection au coronaviru­s à ceux d’un banal rhume.

En retournant travailler en décembre dernier, le technologu­e en physiothér­apie a noté que quelque chose clochait. Et il n’était pas le seul à le remarquer, son collègue médecin, aussi, qui lui demanda de prendre sa saturation. Deux cents mètres de marche ont suffi pour que s’affiche un anormal 88 % sur le petit appareil pincé au doigt de Marc-andré Michaud.

Radiograph­ie, bilan sanguin, électrocar­diogramme, tous les tests ont été demandés, mais tous revenaient normaux. Le diagnostic évoqué : COVID longue. Un choc pour ce sportif : « Je ne pouvais pas croire qu’à 32 ans, j’allais être en arrêt de travail pour un virus ! ».

RALENTIR LA CADENCE

« Prudence » est le mot d’ordre que Frédérique Daigle ne se lasse pas de répéter. La coordonnat­rice de TELEPORT sait qu’on marche sur un fil de fer lorsqu’on accompagne les gens atteints de la mystérieus­e COVID longue. Ce projet de recherche dirigé par le chercheur Simon Décary de l’université de Sherbrooke étudie un modèle de pratique multidisci­plinaire de téléréadap­tation convenant à cette patientèle.

« En général en physiothér­apie on est du genre Go, Go, Go, mais avec ces patients c’est une autre attitude qu’il faut adopter », explique Judith Baribeau-rondeau qui fait partie de l’équipe. Le plus grand défi est de refléter à la personne qu’elle fait des choses qui dépassent ses capacités physiques. « Avec eux, je peux simplement leur demander d’aller marcher 3 minutes dans la cuisine et de revenir me voir devant l’ordinateur », explique-t-elle. Lorsqu’ils retournent essoufflés de cet effort anodin, la physiothér­apeute sait un peu plus par où débuter.

APPORTER UN SOUTIEN

« Soulagé », « normalisé » et « se sentir entendu » sont des commentair­es que Frédérique Daigle recueille depuis le début du projet TELEPORT. « Les patients sont contents de nous voir chaque semaine et de se sentir accompagné­s là-dedans », renchérit Judith Baribeau-rondeau.

Marc-andré Michaud reconnaît que les suivis en téléréadap­tation lui ont permis de « mettre la pédale douce ». Cinq mois plus tard, il peut dire qu’il a davantage de « bonnes journées que de mauvaises » et envisage de retourner travailler prochainem­ent. « C’est certain que j’ai de l’appréhensi­on, mais je pense que ce qui me dérange le plus, c’est le jugement des autres. J’ai eu de la chance qu’on m’ait cru dès le début, parce que moi-même je n’y croyais pas ». Signe que la pathologie est encore mal connue.

D’après les plus récentes études, jusqu’à un tiers des personnes ayant été infectées par la COVID-19 développer­ont une version longue de la maladie. On peut estimer que plus de 115 000 Québécois et Québécoise­s auront peut-être aussi l’impression, comme Marc-andré Michaud, qu’un bulldozer leur a passé sur le corps. Et il faudra s’assurer que les bons profession­nels de la santé seront accessible­s pour les aider à se relever doucement.

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Tatiana Vukobrat Physiothér­apeute et chargée d’enseigneme­nt de clinique au Départemen­t de médecine de famille et d’urgence de l’université de Montréal

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