Firme de Montréal soupçonnée en France de fraude fiscale
De riches Français auraient utilisé l’entreprise Blue Bridge pour rapatrier de l’argent des paradis fiscaux
Les autorités françaises enquêtent sur une firme de gestion d’actifs de Montréal soupçonnée de permettre à de richissimes Français de blanchir leur argent qui avait auparavant été placé dans des paradis fiscaux.
Le Parquet national financier (PNF), un organisme français chargé de « traquer la grande délinquance économique et financière », s’intéresse de près à la firme Blue Bridge de Montréal, nous a-t-il été mentionné par courriel.
« Je vous confirme que le parquet national financier a ouvert une information judiciaire dans ce dossier au mois de février 2019 des chefs de fraude fiscale aggravée, de blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée et d’association de malfaiteurs », nous a écrit Emmanuel Fraysse, porte-parole du PNF, en réponse à une question.
Ce dernier nous a également indiqué que « cette information est toujours en cours ».
Le stade de l’information judiciaire, en droit pénal français, constitue une enquête menée par un juge permettant éventuellement de déterminer l’existence d’une infraction. Aucune accusation n’est présentement portée.
La révélation de l’existence d’une enquête en France sur Blue Bridge survient alors que la firme montréalaise vient de perdre en Cour d’appel fédérale un recours pour ne pas avoir à divulguer à la France les noms de bénéficiaires de trusts.
Appelée à commenter la situation par courriel, la firme a préféré nous envoyer une mise en demeure ( voir autre texte).
PANAMA PAPERS
Blue Bridge, établie au centre-ville de Montréal, gère des trusts, ou fiducies en français, dont certains bénéficiaires sont des résidents de la France.
Les dirigeants de Blue Bridge avaient défrayé la chronique en 2016, au moment de l’éclatement du scandale des Panama Papers.
Le président de la firme, Alain E. Roch, et un de ses associés apparaissaient parmi les principaux intermédiaires canadiens avec la firme d’avocats controversée Mossack Fonseca.
Ils avaient toutefois alors assuré au quotidien Toronto Star que leur travail se bornait à rapatrier des actifs de clients placés dans des juridictions offshore et de les déclarer à l’agence du revenu du Canada.
Notre Bureau d’enquête avait ensuite rapporté en 2019 l’existence d’un bras de fer depuis plusieurs années entre Blue Bridge et la France.
PATRON INTERROGÉ
Le grand patron de Blue Bridge, Alain E. Roch, un ancien banquier suisse installé à Montréal, a lui-même été interrogé par les autorités françaises en décembre 2019.
« À l’occasion d’un voyage d’affaires en France, Monsieur Roch a répondu aux questions des autorités compétentes françaises sur l’information mentionnée dans un article du JDM paru sous votre plume quelques jours auparavant », nous a indiqué l’avocat Éric Mongeau, de Stikeman Elliott.
NOUVEAU REVERS
En octobre 2020, le juge Roger R. Lafrenière, de la Cour fédérale, a donné raison sur toute la ligne au gouvernement français dans cette affaire. Il a sommé Blue Bridge de coopérer avec les autorités françaises et de fournir une liste de bénéficiaires de 14 trusts identifiés.
Blue Bridge a fait immédiatement appel de cette décision, mais a été déboutée en mars dernier.
« Le juge [Lafrenière] n’a commis aucune erreur qui justifierait notre intervention », souligne la juge Marianne Rivoalen, de la Cour d’appel fédérale.
« Blue Bridge analyse actuellement avec ses avocats toutes ses options relativement à ce jugement », nous a écrit Me Mongeau. « Dans tous les cas, Blue Bridge poursuivra ses efforts afin de protéger les intérêts des contribuables canadiens [NDLR les 14 trusts] », a-t-il dit.